Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/148

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pens de leur adversaire ; chacun voulait vaincre, nul ne voulait s’instruire ; le plus fort imposait silence au plus faible ; la dispute se terminait toujours par des injures, et la persécution en a toujours été le fruit. Dieu seul sait quand tous ces maux finiront.

Les sciences sont florissantes aujourd’hui ; la littérature et les arts brillent parmi nous : quel profit en a tiré la religion ? Demandons-le à cette multitude de philosophes qui se piquent de n’en point avoir. Nos bibliothèques regorgent de livres de théologie, et les casuistes fourmillent parmi nous. Autrefois nous avions des saints, et point de casuistes. La science s’étend, et la foi s’anéantit ; tout le monde veut enseigner à bien faire, et personne ne veut l’apprendre ; nous sommes tous devenus docteurs, et nous avons cessé d’être chrétiens.

Non, ce n’est point avec tant d’art et d’appareil que l’Évangile s’est étendu par tout l’univers, et que sa beauté ravissante a pénétré les cœurs. Ce divin livre, le seul nécessaire à un chrétien, et le plus utile de tous à quiconque même ne le serait pas, n’a besoin que d’être médité pour porter dans l’âme l’amour de son auteur, et la volonté d’accomplir ses préceptes. Jamais la vertu n’a parlé un si doux langage ; jamais la plus profonde sagesse ne s’est exprimée avec tant d’énergie et de simplicité. On n’en quitte point la lecture sans se sentir meilleur qu’auparavant. Ô vous ! ministres de la loi qui m’y est annoncée, donnez-vous moins de peine pour m’instruire de tant de choses inutiles. Laissez-là tous