Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/173

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vérité : ce qui n’empêche pas qu’on n’y fasse quelque progrès.

« Enfin, quand il serait vrai que les sciences et les arts amollissent le courage, les biens infinis qu’ils nous procurent ne seraient-ils pas encore préférables à cette vertu barbare et farouche qui fait frémir l’humanité ? » Je passe l’inutile et pompeuse revue de ces biens ; et pour commencer sur ce dernier point par un aveu propre à prévenir bien du verbiage, je déclare, une fois pour toutes, que, si quelque chose peut compenser la ruine des mœurs, je suis prêt à convenir que les sciences font plus de bien que de mal. Venons maintenant au reste.

Je pourrais, sans beaucoup de risque, supposer tout cela prouvé, puisque de tant d’assertions si hardiment avancées il y en a très-peu qui touchent le fond de la question, moins encore dont on puisse tirer contre mon sentiment quelque conclusion valable, et que même la plupart d’entre elles fourniraient de nouveaux arguments en ma faveur, si ma cause en avait besoin.

En effet, 1 ° si les hommes sont méchants par leur nature, il peut arriver, si l’on veut, que les sciences produiront quelque bien entre leurs mains ; mais il est très-certain qu’elles y feront beaucoup plus de mal : il ne faut point donner d’armes à des furieux.

2° Si les sciences atteignent rarement leur but, il aura toujours beaucoup plus de temps perdu que de temps bien employé. Et quand il serait vrai