Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/223

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maximes le mépris des devoirs de l’homme et du citoyen.

Le goût des lettres, de la philosophie et des beaux-arts anéantit l’amour de nos premiers devoirs et de la véritable gloire. Quand une fois les talents ont envahi les honneurs dus à la vertu, chacun veut être un homme agréable, et nul ne se soucie d’être un homme de bien. De là naît encore cette autre inconséquence, qu’on ne récompense dans les hommes que les qualités qui ne dépendent pas d’eux : car nos talents naissent avec nous ; nos vertus seules nous appartiennent.

Les premiers, et presque les uniques soins qu’on donne à notre éducation, sont les fruits et les semences de ces ridicules préjugés. C’est pour nous enseigner les lettres qu’on tourmente notre misérable jeunesse. Nous savons toutes les règles de la grammaire avant que d’avoir ouï parler des devoirs de l’homme : nous savons tout ce qui s’est fait jusqu’à présent, avant qu’on nous ait dit un mot de ce que nous devons faire ; et pourvu qu’on exerce notre babil, personne ne se soucie que nous sachions agir ni penser. En un mot, il n’est prescrit d’être savant que dans les choses qui ne peuvent nous servir de rien ; et nos enfants sont précisément élevés comme les anciens athlètes des jeux publics, qui, destinant leurs membres robustes à un exercice inutile et superflu, se gardaient de les employer jamais à aucun travail profitable.

Le goût des lettres, de la philosophie et des beaux-arts amollit les corps et les âmes. Le travail du ca-