Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/233

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S’il reste quelque difficulté à ma justification, j’ose le dire hardiment, ce n’est vis-à-vis ni du public ni de mes adversaires, c’est vis-à-vis de moi seul : car ce n’est qu’en m’observant moi-même que je puis juger si je dois me compter dans le petit nombre, et si mon âme est en état de soutenir le faix des exercices littéraires. J’en ai senti plus d’une fois le danger ; plus d’une fois je les ai abandonnés, dans le dessein de ne les plus reprendre, et renonçant à leur charme séducteur, j’ai sacrifié à la paix de mon cœur les seuls plaisirs qui pouvaient encore le flatter. Si dans les langueurs qui m’accablent, si sur la fin d’une carrière pénible et douloureuse, j’ai osé encore quelques moments reprendre ces exercices pour charmer mes maux, je crois au moins n’y avoir mis ni assez d’intérêt ni assez de prétention pour mériter à cet égard les justes reproches que j’ai faits aux gens de lettres.

Il me fallait une épreuve pour achever la connaissance de moi-même, et je l’ai faite sans balancer. Après avoir reconnu la situation de mon âme dans les succès littéraires, il me restait à l’examiner dans les revers. Je sais maintenant qu’en penser, et je puis mettre le public au pire. Ma pièce a eu le sort qu’elle méritait, et que j’avais prévu ; mais, à l’ennui près qu’elle m’a causé, je suis sorti de la représentation bien plus content de moi, et à plus juste titre que si elle eût réussi.

Je conseille donc à ceux qui sont si ardents a chercher des reproches à me faire, de vouloir mieux étudier mes principes, et mieux observer ma con-