Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/234

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duite, avant que de m’y taxer de contradiction et d’inconséquence. S’ils s’aperçoivent jamais que je commence à briguer les suffrages du public, ou que je tire vanité d’avoir fait de jolies chansons, ou que je rougisse d’avoir écrit de mauvaises comédies, ou que je cherche à nuire à la gloire de mes concurrents, ou que j’affecte de mal parler des grands hommes de mon siècle, pour tâcher de m’élever à leur niveau, en les rabaissant au mien, ou que j’aspire à des places d’académie, ou que j’aille faire ma cour aux femmes qui donnent le ton, ou que j’encense la sottise des grands, ou que, cessant de vouloir vivre du travail de mes mains, je tienne à ignominie le métier que je me suis choisi, et fasse des pas vers la fortune ; s’ils remarquent, en un mot, que l’amour de la réputation me fasse oublier celui de la vertu, je les supplie de m’en avertir, et même publiquement, et je leur promets de jeter à l’instant au feu mes écrits et mes livres, et de convenir de toutes les erreurs qu’il leur plaira de me reprocher.

En attendant, j’écrirai des livres, je ferai des vers et de la musique, si j’en ai le talent, le temps, la force et la volonté : je continuerai à dire très-franchement tout le mal que je pense des lettres, et de ceux qui les cultivent[1], et croirai n’en valoir

  1. J’admire combien la plupart des gens de lettres ont pris le change dans cette affaire-ci. Quand ils ont vu les sciences et les arts attaqués, ils ont cru qu’on en voulait personnellement à eux, tandis que, sans se contredire eux-mêmes, ils pourraient tous penser, comme moi, que, quoique ces choses aient fait beaucoup de mal à la société, il est très-essentiel de s’en servir aujourd’hui, comme