Page:Rousseau - Philosophie, 1823.djvu/68

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heur nous la trouvons à la fin, qui de nous en saura faire un bon usage ?

Si nos sciences sont vaines dans l’objet qu’elles se proposent, elles sont encore plus dangereuses par les effets qu’elles produisent. Nées dans l’oisiveté, elles la nourrissent à leur tour ; et la perte irréparable du temps est le premier préjudice qu’elles causent nécessairement à la société. En politique comme en morale, c’est un grand mal que de ne point faire de bien ; et tout citoyen inutile peut être regardé comme un homme pernicieux. Répondez-moi donc, philosophes illustres, vous par qui nous savons en quelles raisons les corps s’attirent dans le vide ; quels sont, dans les révolutions des planètes, les rapports des aires parcourues en temps égaux ; quelles courbes ont des points conjugués, des points d’inflexion et de rebroussement ; comment l’homme voit tout en Dieu ; comment l’âme et le corps se correspondent sans communication, ainsi que feraient deux horloges ; quels astres peuvent être habités ; quels insectes se reproduisent d’une manière extraordinaire : répondez-moi, dis-je, vous de qui nous avons reçu tant de sublimes connaissances : quand vous ne nous auriez jamais rien appris de ces choses, en serions-nous moins nombreux, moins bien gouvernés, moins redoutables, moins florissants, ou plus pervers ? Revenez donc sur l’importance de vos productions ; et si les travaux des plus éclairés de nos savants et de nos meilleurs citoyens nous procurent si peu d’utilité, dites-nous