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CHIQUENAUDE


Que mieux que l’épaisse cuirasse
D’un batailleur de vieille race
Portant une plume au chapeau,
Cette étoffe sans nulle trace
De trous me protège la peau ?

Ne sais-tu que pour rendre l’âme
Sous ce drap plus ardent que flamme,
Il me faudrait mourir de faim ?
Mais que jamais aucune lame
Ne sera cause de ma fin ?

J’ai beau jeu pour être intrépide ;
Essaye une botte rapide
Et si je me trompe en parant
Tu verras mon rire insipide
Demeurer, car aucun parent

À moi, pas même le plus proche,
Ne sentira son cœur de roche
Attendri par un récent deuil
Grâce à ton fer… car s’il m’accroche
Pendant l’espace d’un clin d’œil,

Il se brisera comme verre
Sur mon costume. Persévère
Maintenant, audacieux fol,
Dans ton projet, et je t’enferre
Comme une mouche sur le sol.


D’habitude, l’adversaire était fort troublé par ces paroles. Mais la honte l’emportait sur la peur