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« Puisse-t-il [nous arriver] du bonheur, puisse-t-il [nous arriver] du bonheur ! »[1] Vidura et Gândhâri décidèrent le roi des Kurus à refréner l’insolence de son fils Duryodhana. Il adressa de bienveillantes paroles à Draupadî et lui promit de lui accorder ce qu’elle voudrait. Elle demanda tout d’abord la liberté de Yudhiṣṭhira ; puis, sur l’invitation du vieux prince qui se déclarait prêt à lui accorder une nouvelle faveur, elle réclama celle des autres Pâṇḍavas. Comme Dhṛtarâṣṭra, en veine de générosité, insistait pour qu’elle formulât un troisième vœu qu’il s’empresserait de remplir, comme les deux précédents, Draupadî, satisfaite d’avoir obtenu la liberté de ses époux, lui répondit :

« Le désir tue le devoir ; je ne mérite pas une troisième faveur ; car, ainsi qu’on le dit : Un Vaiçya peut solliciter une faveur, la femme d’un Kṣatriya deux, le prince trois, et le Brahmane cent »[2].

Cette observation de Draupadî, l’auteur de cet épisode l’adresse, par son intermédiaire, moins au pauvre vieux Dhṛtarâṣṭra qu’aux princes et, en général, aux Kṣatriyas de son temps. C’est une nouvelle preuve, bien superflue, à coup sûr, que les Brahmanes ne négligeaient aucune occasion, au moins autrefois, de soigner leurs intérêts.

Draupadî est le type de la femme hindoue ; le dévouement, l’abnégation, telle est sa vertu caractéristique. Tout entière au service d’autrui, elle s’oubliait elle-même ; c’est le témoignage que lui rendait Duryodhana ; il ne saurait être suspect :

  1. Svasti, svasti, littéralement il est bien, il est bien ! C’est une formule de conjuration, pour détourner un malheur imminent. On peut lui comparer l’εὐφημεῖν des Grecs.
  2. LXXI, 34 et 35.