Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/127

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empiétements ni mélange ; des éclats de rire variés, graves sur « oh », aigus sur « ah » et stridents sur « hi », firent merveille en évoquant une moquerie légère et impassible ; cris de douleur ou d’alarme, sanglots, exclamations pathétiques, toux retentissantes, éternuements comiques s’enregistrèrent tour à tour avec la même perfection.

Passant de la parole au chant, Stéphane lança de fortes notes de baryton, qui, résonnant à souhait aux différents coudes de la ligne, furent suivies de vocalises, de trilles, de fragments d’airs ― et de joyeux refrains populaires débités par bribes.

Pour finir, le soliste, après une grande respiration, arpégea indéfiniment l’accord parfait dans les deux sens, utilisant généreusement l’étendue entière de sa voix et donnant l’illusion d’un chœur impeccablement juste, grâce à l’ample et durable polyphonie produite par tous les échos mélangés.

Soudain, privées de la source musicale que Stéphane à bout de souffle venait d’arrêter court en se taisant, les voix factices s’éteignirent une à une, et les six frères, reprenant avec une satisfaction visible leur position normale, purent se détendre voluptueusement en poussant de larges soupirs.

Le cortège, rapidement reformé, se dirigea de nouveau vers le sud.