Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/284

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Velbar ; celui-ci eut un éblouissement et, par un mouvement instinctif, sans se rendre compte de son action, envoya de toute sa force une gifle à l’adjudant. Mais, brusquement, les conséquences terribles de ce geste presque involontaire lui apparurent avec une effrayante netteté, pendant qu’une vision rapide lui montrait l’affreux exemple de Suire tombant sous les balles du peloton d’exécution. Bousculant l’adjudant et les quelques gradés qui s’approchaient pour prêter main-forte à leur chef, il s’enfuit droit devant lui à travers la campagne et se trouva promptement à l’abri de toute poursuite grâce à l’obscurité de la nuit.

Il gagna le port de Bougie et parvint à se cacher dans la cale du Saint-Irénée, grand navire à vapeur en partance pour l’Afrique du sud.

Le lendemain, le Saint-Irénée leva l’ancre ; mais cinq jours après, désemparé à la suite d’une tempête, il s’échoua en vue de Mihu. En comptant le Sylvandre et le paquebot des jumelles espagnoles, c’était la troisième fois que pareil fait se produisait dans ces parages depuis le lointain avènement de Souann.

Sorti soudainement de sa retraite, Velbar, toujours en uniforme, avec son fusil et ses cartouchières garnies, vint se mêler à la masse des passagers.

Les habitants de Mihu, redoutables cannibales,