Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/172

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Le chef serre bien sa baguette et la tient haut,
S’apprêtant, dans sa fougue enthousiaste, à fendre
L’air avec elle, quand il la fera descendre ;
Seul debout il se hausse encore, se grandit ;
Il utilise son bras gauche qu’il brandit
En raidissant son poing ; il veut que chacun donne
Tout ce qu’il a, que tout vibre, que tout résonne,
Qu’on se démène, qu’on s’emballe pour de bon.
Assis, presque étalé, le premier violon
Se renverse, affectant l’inspiratrice pose
Du génial, illustre et flambant virtuose ;
Il trouble son regard, presse son instrument
Contre sa joue, avec ivresse, éperdument ;
Il appuie, en peinant, son archet pour qu’il morde,
Avec intensité, l’endroit vif de la corde,
Et son troisième doigt adhérent, expressif,
S’immobilise dans un effort excessif
Vers le milieu de la plaintive chanterelle,
S’arrangeant pour que la note pleure et soit belle.
Le voisin, moins rempli de soi, moins théâtral,