Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’étaient les ténèbres, épaisses, insondables, que la lumière des astres ne pouvait plus traverser ; et ces mystérieux flambeaux, suspendus par Dieu à la voûte céleste pour indiquer au pilote la route qu’il doit suivre, semblaient éteints.

Mais à l’avant du navire, sur les côtes lointaines, quelques phares tournants venaient d’apparaître. De temps en temps leurs lumières variées se montraient, grandissaient, diminuaient et s’éteignaient pour renaître, resplendir et mourir encore. C’étaient les flambeaux de la terre qui suppléaient à ceux du ciel et nous traçaient la route.

Tout-à-coup des brumes épaisses s’élevèrent de l’océan, enveloppèrent les phares tournants, s’étendirent sur nos têtes, et nous replongèrent dans une nuit plus sombre.

Comment donc, pensais-je, le pilote pourra-t-il connaître son chemin, quand les lumières du ciel et de la terre lui font défaut ? Mais la boussole lui restait encore, et ce prodigieux instrument lui suffisait.

Et ma pensée se promenant sur le monde moral y observa le même spectacle.

Les astres que Dieu a donnés à l’homme pour le conduire dans cette nuit de la vie que nous traversons, ce sont la conscience, la raison, les vérités primordiales qui s’y trouvent gravées, celles que Dieu même lui a révélées dès le commencement, et qui se sont transmises dans l’humanité de génération en génération.