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PARIS

Tout ce quartier de Paris, au-dessus duquel planent en ce moment nos regards, est connu dans le monde entier sous le nom de quartier Latin. Il avait jadis une physionomie bien originale, et il abritait un monde à part, des mœurs à part, une vie parisienne suis generis.

Ni le commerce, ni l’industrie, ni le mouvement des affaires n’avaient alors pénétré dans cette patrie des étudiants, qui semblait séparée du reste de la ville.

Il y avait là de vieilles masures qui s’affaissaient sous le poids de leurs souvenirs, et qui pouvaient raconter la vie intellectuelle et religieuse du moyen-âge, ou tout au moins de la renaissance ; des rues étroites, tortueuses et noires qui ne connaissaient pas d’autres passants que les élèves des écoles ; des gargotes, qui servaient d’hôtelleries, où l’on ne trouvait guère à manger, mais où l’on vivait tout de même presque gratuitement.

Bien des pauvretés, bien des misères matérielles et morales s’y cachaient aux regards ; mais là aussi riaient les joies insouciantes, les espérances dorées et les jeunes enthousiasmes.

Parmi cette jeunesse ardente, bizarre, et souvent frivole, il y avait de vrais amis des sciences, des lettres et des arts, qui pâlissaient sur les livres et qui donnaient souvent des grands hommes à la France.

De temps en temps il en sortait des penseurs, des orateurs, des poètes, de savants médecins, d’illustres avocats ; et quand sonnait l’heure des révolutions et