Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/316

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interpréter peuvent leur donner à peu près le sens qu’ils veulent. C’est que les circonstances de lieu, de temps, de théâtre, la scène, les décors, les acteurs, les actrices, leurs costumes, leur action ou leur jeu, peuvent en changer radicalement la signification.

Tels motifs d’opéra, que vous ne connaissez pas, élèveront votre âme vers Dieu, s’ils sont joués sur l’orgue dans une église ; mais ils n’éveilleront en vous que des idées sensuelles, si vous les entendez au théâtre, chantés par une actrice avec l’expression convenue de la passion.

Eh ! bien, cette facilité de donner à l’idée musicale un sens arbitraire ne tourne pas au profit de la morale, et l’aimable muse devient aisément un auxiliaire dans la perversion des cœurs.

C’est le reproche que me semblent mériter l’interprétation et l’exécution des œuvres des maîtres sur la scène du grand Opéra. Les féeries qu’on y mélo, les bouts rimés que le librettiste y glisse entre les lignes, la mimique et la danse qui accompagnent, font une œuvre voluptueuse et sensuelle, d’une production qui, dans l’esprit du compositeur, était probablement pure.

Ce qui répugne surtout, c’est d’y voir la musique et la danse confondues dans une promiscuité telle qu’on a peine à les séparer, et que le ballet finit par être la partie principale de l’opéra. Les critiques de théâtre tombent eux-mêmes dans cette confusion, et je lisais l’autre jour dans le Gaulois un article intitulé « Musique, » et dans lequel l’auteur n’appréciait en réalité