Page:Routhier - Conférence sur Sir Georges-É. Cartier, 1912.djvu/9

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et dans les discussions ardentes ses yeux pétillants lançaient des éclairs, sous son large front un cerveau puissant travaillait sans cesse ; et malgré toutes les contradictions il était optimiste, et voyait tout en beau.

Le Canada était pour lui le plus beau pays du monde. Les Canadiens étaient la première race du monde. Tous ses projets étaient toujours les meilleurs du monde ; et remarquez bien qu’ils n’étaient pas des projets de fortune mais des projets politiques qui se rattachaient à la grandeur et à la prospérité de son pays.

Évidemment, une fois entré dans l’arène parlementaire un tel homme n’en devait plus sortir.


III


Vivant à une époque où le Canada n’était qu’au début de son développement, Cartier et Macdonald ont compris qu’ils devaient être, et ils ont été des initiateurs, des fondateurs, des législateurs, des créateurs d’institutions. Prévoyant tout, organisant tout, légiférant sur tout, ils ont été les véritables architectes de tout notre édifice national.

Pendant plus de vingt ans on peut dire que tout le poids de la législation a pesé sur les épaules de Sir Georges Étienne Cartier. Et ce que l’on n’a pas assez loué, c’est qu’il y a dans cette vaste législation de la suite, de la logique, de l’unité, et un idéal national toujours le même, qui est le mouvement ascensionnel du Canada.

Et ce mouvement s’est fait sans secousse, sans abus d’autorité, dans l’ordre et le respect de toutes les libertés nécessaires.

Apparemment on aurait pu croire que Cartier était un absolutiste, voulant exercer une espèce de dictature ; mais non il était plutôt démocrate et ami des libertés populaires. Au lieu de centraliser tous les pouvoirs et l’administration dans les mains de l’État, comme on l’a fait en France, sa législation tendit à les décentraliser.

C’est le caractère distinctif des lois que nous lui devons sur notre régime municipal, sur l’érection civile des paroisses et la construction des églises, sur l’instruction publique, sur l’organisation des tribunaux.

Comparez, si vous le voulez, notre régime municipal à celui de la France, et voyez la différence. En France, c’est un rouage gouvernemental, un pouvoir énorme entre les mains des ministres. Chez nous, c’est un pouvoir parfaitement indépendant des gouvernements.

Une autre législation bienfaisante à laquelle Cartier prit la plus grande part fut le règlement de la tenure seigneuriale. On lui en attribua la responsabilité et on le critiqua beaucoup. Mais qui oserait soutenir aujourd’hui que cette réforme n’était pas désirable ?

Pour abolir la féodalité en France, il a fallu faire la plus terrible des révolutions. Ici, un simple texte de loi a tout changé, en rendant pleine justice aux censitaires et aux seigneurs.

Non seulement Cartier faisait des lois nouvelles ; mais il voulait que les anciennes fussent mieux connues et mises à la portée de tous. C’est pourquoi il fit refondre tous nos statuts, devenus un labyrinthe, et codifier notre droit civil ; et le tout fut publié dans les deux langues.

C’était une œuvre considérable, et un grand nombre d’avocats s’y objectaient. Quand on lui fit remarquer cette hostilité du barreau en Chambre, Cartier répondit fièrement : « Je passerai à travers le barreau. »

Aujourd’hui tout le barreau s’applaudit, je crois, d’avoir un Code Civil qui malgré quelques défauts est le meilleur qu’il y ait au monde.

C’est encore à Cartier que nous devons l’établissement de nos bureaux d’enregistrement et de nos cadastres. Œuvre admirable et d’une importan-