Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/132

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et quand ils s’élançaient en bondissant dans la porte ils croyaient trouver au delà l’espace et la liberté.

Hélas ! l’horrible réalité leur apparaissait bientôt, et comme des chevaux de cirque haletants, écumants, ils longeaient au galop les murs circulaires de leur prison. Mais alors ces murs se couvraient de chasseurs, et l’épouvantable tuerie commençait. Criblés de balles, percés de lances ou de flèches les buffles tombaient en poussant des mugissements effroyables ; les chasseurs répondaient par des cris de triomphe, et quand un fer de lance bien dirigé avait transpercé la gorge de quelque bison énorme, ils poussaient des acclamations.

Le sang coulait à flots, les cadavres jonchaient le sol, une buée chaude imprégnée d’odeurs nauséabondes montait dans l’air, et ce cirque, qui aurait fait les délices des empereurs romains, prenait l’aspect d’un immense abattoir.

Le Rév. P. Lacombe a assisté plusieurs fois à ces lugubres boucheries, qu’il blâmait comme tous les autres missionnaires, mais qu’il tentait vainement d’empêcher. Quand un grand nombre de bisons étaient tombés, il demandait grâce pour les survivants, mais les sauvages lui répondaient : « Non, non, il faut les tuer tous ; car ceux que nous laisserions échapper iraient tout raconter aux autres, et nous ne pourrions plus les attirer dans nos embûches. »

Il va sans dire que les sauvages faisaient bien