Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/202

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toujours sans tache se prolonge dans toutes les directions jusqu’à l’immense coupole du ciel terne.

Bientôt la soif se fait sentir, la fatigue le gagne, et le besoin de sommeil se manifeste. Mais s’il mange de la neige pour étancher sa soif, il sait par expérience qu’il en sera malade de fièvre, et que la soif le tourmentera davantage. S’il se repose, l’engourdissement va s’emparer de ses membres, et il ne pourra plus repartir ; s’il s’endort, il ne se réveillera plus, car le froid le tuera.

Une rivière ! Voilà l’oasis après laquelle il soupire dans cet immense désert de neige. Car c’est là seulement qu’il pourra trouver l’eau pure dont il a besoin pour son repas, et du bois pour allumer un feu et réchauffer ses membres engourdis.

Il marche toujours, inspectant l’horizon, et y cherchant quelque ligne sombre dessinée par les escarpements d’une rivière ou par les cimes grises de quelques hautes futaies.

Mais la vue prolongée de la plaine sans borne l’incline à la rêverie ; et la mélancolie de sa pensée lui impose le silence.

L’illimité du vide n’a pas d’écho ; et l’on y prend l’habitude de se taire parce que les paroles tombent dans un abîme d’espace qui ne les renvoie pas.

Dans cet infini sans voix la joie s’évanouit comme la parole. Et cependant c’est une tristesse qui a des charmes, et qui devient en quelque sorte un besoin. Quand