Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/253

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massives, tantôt avec docilité, tantôt avec rage et en mugissant.

De chaque côté de la rivière, dans les vallons, sur les collines, sont éparpillés de grands troupeaux. C’est un des grands ranches Cochrane. Nous montons lentement, et nous avons devant nous l’immense muraille des Rocheuses, derrière nous de longues échappées de vue sur la plaine que nous dominons. J’envie le sort du cowboy qui a constamment sous les yeux de pareils paysages. Mais la vie qu’il mène est dure.

Quelle différence entre le berger antique, que les poètes ont tant célébré depuis Homère et Virgile, et le cowboy des ranches de l’Ouest ! En fait, c’est la même différence qu’entre les prairies sans bornes et les champs étroits d’Arcadie ou de la campagne romaine.

Tytire pouvait bien s’étendre à l’ombre d’un hêtre, sur le gazon toujours vert, et jouer de la flûte. Il n’avait pas autre chose à faire qu’à regarder paître son petit troupeau, paisible et discipliné, dans un espace restreint. Mais le cowboy a sous sa garde des troupeaux à demi-sauvages, comptant des milliers de têtes, et ayant l’immensité pour pâturage. Aussi est-il toujours à cheval, et passe-t-il ses jours et ses nuits à courir après les bêtes indisciplinées et aventureuses.

C’est l’hiver surtout, quand il pleut, quand il neige, quand le chinook souffle avec violence, que la besogne est pénible, et que les cowboys, dont un bon nombre