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Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/274

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envahissements de ce croque-mort trop pressé ; mais alors la chaleur deviendrait insupportable, et ce serait le soleil qui nous réduirait en cendres.

Enfin, puisque notre sort est irrévocable, prenons-en gaiement notre parti, et amusons-nous un peu aux dépens de ces tas de poussière et de cendre que nous sommes.

Il y a bien des espèces de voyageurs. Il y a celui que rien ne charme et qui a l’enthousiasme très difficile. En face des plus merveilleux paysages des Rocheuses, il dit froidement « ce n’est pas laid, mais c’est trop sauvage ». Évidemment, c’est la civilisation qu’il vient voir ici, et il s’attend d’y trouver des jardins tracés par quelque Le Nôtre.

Il y a le touriste étranger qui ne voit rien comme son pays, pourvu qu’il en soit absent ; quand il en sort, c’est pour s’en ennuyer, quand il y rentre, c’est pour le dénigrer. Lorsque je lui montre quelque point de vue admirable, il fait une petite moue, et dit : oui, mais on en voit partout comme ça, et dans mon pays il y a mieux.

Il y a l’homme qui voyage pour manger. Le dining car est son idéal, le but de ses aspirations, l’objet de ses plus ardents soupirs.