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Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/33

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laissent voir de grandes roches d’azur, et des lits de sable rougeâtre. Qu’il ferait bon s’y baigner, semble-t-il ! Mais gare aux crampes ! Car il paraît que cette eau est absolument glacée.

Dans ma chère Malbaie, où les bains sont aussi excessivement froids, on raconte qu’une de nos plus loquaces baigneuses a été prise d’un tel frisson, après un bain au Cap-à-L’Aigle, qu’elle en est devenue muette. Depuis lors un grand nombre de maris y mênent leurs femmes, dit-on.

La côte nord-est du Lac Supérieur offrirait sans doute les mêmes chances, et les touristes mariés y viendront plus tard ; mais aujourd’hui les seuls touristes qui fréquentent ces rivages déserts sont les goëlands et les poissons — ceux-ci mangés par ceux-là.

Nous circulons au milieu d’énormes blocs de granit rouge et gris, décrivant des arcs, des S, des courbes en tout sens. Nous courons sur le versant des monts, sous les rayons du soleil matinal ; nous descendons au fond des anses pour entendre chanter les flots sombres, bordés d’écume blanche ; puis, nous remontons sur les cimes pour découvrir les horizons infinis du grand lac. Ici un immense viaduc nous fait traverser des ravins à plus de cent pieds au-dessus du sol ; là nous perçons les rochers, et nous nous enfonçons dans des tunnels ténébreux ; plus loin nous faisons halte au fond d’une rade sauvage où vivent quelques hommes aussi sauvages