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LE CENTURION

« Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la Justice, parce que le royaume des cieux est à eux !

Quelles paroles étranges, n’est-ce pas ! et surtout quelles idées nouvelles !

Cela renverse tout l’enseignement de la sagesse humaine. C’est la contre-partie de toutes nos opinions et de tous nos sentiments.

Les heureux, selon nous, sont les riches, et non les pauvres, ceux qui s’amusent et non ceux qui pleurent, ceux à qui on rend justice, et non ceux qui sont persécutés pour elle !

Ceux qui possèdent la terre, à notre avis, ce ne sont pas les doux, mais les violents qui s’en emparent ! Bienheureux sont ceux qui peuvent se faire justice eux-mêmes, et qui savourent les douceurs de la vengeance, et non ceux qui font miséricorde ! Bienheureux non pas les purs, mais ceux qui peuvent s’accorder tous les plaisirs de l’amour et de la volupté !

Voilà la vraie sagesse humaine, celle qu’ont enseignée et pratiquée tous les grands philosophes de la Grèce et de Rome.

Où donc le prophète de Nazareth a-t-il puisé une sagesse toute contraire ? Et comment se fait-il que moi-même, Romain, j’aie goûté dans ses paroles je ne sais quelle saveur inconnue ? Notre génération décadente n’est pas habituée à ce langage, si différent de celui de nos orateurs et de nos poètes.