Page:Roy - Bigot et sa bande et l'affaire du Canada, 1950.djvu/123

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« M. Péan, dit-il, arriva un jour à Cheverny, pour nous inviter à aller le lendemain dîner à Onzain, il avait avec lui trois cheveaux de selle pour ramener qui voudrait. Cette façon honnête d’un homme que nous n’avions pas encore vu, m’obligea d’accepter. Il coucha chez nous ; ceux qui voulurent l’accompagner à cheval, et M. de Préminville, deux autres personnes et moi, nous mimes dans une berline et avec un relais de six chevaux à Blois, nous y allâmes dîner. C’était entre homme ; le dîner fut superbe, et les vues de tous les pays furent prodigués à nous en fatiguer. Mon beau-frère, le président de Salaberry, mis en gaieté par le bon vin, prend M. Péan en amitié, et, après le dîner, en parcourant les dehors et les dedans de l’habitation, il lui dit : « Monsieur, tandis que vous étiez à la Bastille, et que vous craigniez l’événement de votre procès, vous deviez avoir bien du regret de croire que vous ne jouiriez plus d’une si agréable possession ? ». Le président lui disait cela d’abondance de cœur, comme il le sentait, in vino veritas ! Mais Péan, qui avait eu tous les éléments de l’inquiétude, laissa couler quelques larmes. Mon beau-frère, qui, dans tout autre moment, aurait senti son imprudence, ne voyait rien, n’entendait rien, nous ne parvismes à arrêter cette effusion de cœur qu’en prenant le parti de remonter en voiture » [1]

  1. Bulletin des Recherches Historiques, vol. de 1931, p. 300. Le M. de Salaberry dont il est question ici était de la même famille que les Salaberry canadiens.