baptiste. À vrai dire, j’peux pas prétendre qu’il m’ait volé ; mais il a fait ben pire, le misérable !… Quand j’y pense, j’voudrais le traîner d’vant la grand’cour, ousqu’on condamne les gens à être pendus.
l’avocat. Pendu ! Ce n’est pas tout à fait conforme aux prescriptions du code criminel ! Mais, revenons à votre voisin, vous ne pouvez pas soutenir qu’il vous assassiné, et s’il n’y a ni vol ni coups, ni injures ! Mais j’y songe, il a peut-être incendié votre domicile ?
baptiste. Vous l’avez dit ; et il s’en est fallu de peu que tout brûle.
l’avocat. Ainsi, vous êtes bien sûr qu’il a mis le feu à votre immeuble, lui-même, exprès ?…
baptiste, (avec impatience). Mis l’feu ! mis l’feu ! pas avec la main, mais c’est tout comme !…
l’avocat. Je ne comprends plus. Enfin, me direz-vous clairement ce que vous a fait le nommé Lalonde contre lequel voulez porter une plainte ? Encore faut-il savoir en quoi elle consiste.
baptiste. I’m’a j’té un sort !… Êtes-vous t’y content ?…
l’avocat (avec colère). Jeté un sort ! Vous vous moquez de moi, et je trouve la plaisanterie fort déplacée.
baptiste. Ah ! Sainte Vierge ! j’veux être damné si j’plaisante sur un pareil sujet ! Je n’oserais seulement pas.
l’avocat. Mais, enfin !…
baptiste. I’ma’j’té un sort, comme je vous l’dis ; qu’c’est un’ abomination, quoi ! Peut-on faire un’ plus grande nuisance à quéqu’un, j’vous l’demande ?
l’avocat. Qu’entendez-vous par un sort ?
baptiste. Ma fine ! vous l’savez ben ! tout le monde sait ça ! un sort c’est c’qu’il y a d’plus mauvais, et quand on n’a un sur soi par la malice de quéque mal intentionné ; i’faut s’attendre à tout : à la maladie, aux chicanes, aux accidents,