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Il la reprit vivement et aperçut par l’orifice ainsi révélé, un petit rouleau serré lequel, déroulé à la lumière, donna trois morceaux ténus d’écorce de bouleau, d’environ trois pouces carrés.

Qu’étaient ces feuilles minces, si bien cachées par le Bison et qu’un coup de hasard venait de faire découvrir ?

Les deux amis en prirent une, qu’ils étudièrent ensemble.

Ce morceau offrait une petite carte du dessin ci-dessous.[1] Une particularité qu’ils remarquèrent, au premier coup d’œil, fut la couleur de l’encre ou du liquide qui servit à la confection de la carte. On eut dit du sang !

Joseph, le premier, rompit le silence, et dit :

— Voici une rivière qui doit être importante. Quelle singulière configuration du pays. Une fois vu, il n’y a pas à craindre de l’oublier.

— Tu m’as dit, je crois, que ton père se proposait de remonter la grande rivière, au nord du lac des Prairies, dans sa prochaine expédition à la découverte de la mer de l’ouest, n’est-ce pas ?

— Oui, répondit Joseph ; la route n’est pas aussi belle que celle du sud, que nous connaissons ; il a l’intention de s’aventurer plus au nord.

— Eh bien ! cela fera justement notre affaire. Nous irons par le nord, et si nous ne sommes pas sur la bonne voie, nous descendrons au sud. En ouvrant bien les yeux nous trouverons peut-être ce coin de terre, en suivant les Montagnes Rocheuses du nord au sud.

— Je vois sur la carte « La pipe » ; c’est assez ressemblant avec une pipe, n’est-ce pas ?

— C’est une montagne, sans doute.

— Probablement. Mais pour la confection de cette carte, l’auteur a dû grimper dans un arbre de haute taille et, esquisser de là l’aspect de la contrée.

— Vois donc cette marque et ce « G », dit Pierre. Quelle interprétation donner à ces signes ?… Penses-tu que ce soit l’endroit du trésor que nous avons à chercher ?

— Cela se peut. Cette lettre a une signification certainement importante, mais je ne puis que conjecturer…

— Peut-être sa cachette ? un trou, une grotte ?… Tiens ! ça doit être ça, une grotte !

— Puis, il y a les jumelles. Ce sont deux buttes, peut-être… Ensuite, nous venons à la montagne Ronde, et après, aux Crocs !…

— Brrr !… des Crocs ! dit Pierre, en interrompant son ami ; ne trouves-tu pas que cela donne un peu sur les nerfs ?…

— Voyons l’un des autres papiers de bouleau, dit Joseph. Il prit un carré de dimension semblable au premier.

— Tiens ! c’est la « Pipe » en détail, remarqua Pierre.

— Sans doute, et c’est probablement la solution du mystère qu’elle comporte. L’autre dessin donne une description générale du pays, afin de pouvoir se reconnaître et retrouver le trésor. Celui-ci est plus détaillé, c’est, qu’il a plus d’importance.

Les deux hommes étudièrent en silence la seconde esquisse.

Puis, ils examinèrent le troisième ; celui-ci ne contenait que quelques mots.

— Il était sage et prudent, dit Pierre, et si nous profitons de sa découverte, je lui promets de ne pas l’oublier. Nous ne pouvons qu’une chose pour lui : faire un don à quelque institution religieuse et obtenir, à titre de bienfaiteur, des prières spéciales pour le repos de son âme.

— Tu as bien pensé, dit Joseph, en tapant amicalement de sa main sur l’épaule de son ami : je t’en félicite ! J’y songeais aussi, moi, et je me disais que je n’aurais pu jouir de ces biens, de cet or — si nous en trouvons — sans penser au pauvre garçon qui meurt si tristement, alors qu’il croyait voir la fortune lui sourire.

— Nous savons maintenant à quoi nous en tenir au sujet du secret du Bison… Nous sommes décidés à aller chercher cet or qui nous attend là-bas, à l’extrême ouest, et la Providence semble nous favoriser. Ton père, M. de la Vérendrie reçoit mission de procéder à la découverte de la mer de l’Ouest et il va se remettre en route bientôt ?

— À l’ouverture de la navigation, dès le printemps prochain, répondit Joseph.

— Toi, c’est décidé : tu feras partie de la nouvelle organisation, mais moi ?… je n’en suis pas encore, et j’aimerais beaucoup à en être.

— Ne crains rien à cet égard, mon cher, je me fais fort de te caser dans notre troupe ; et je serai bien content de t’initier aux charmes de la vie aventureuse, qui sera la nôtre dans quelques mois.

— Combien serons-nous de temps absents de Ville-Marie ? Le sais-tu ?

  1. Note de Wikisource : La carte mentionnée est absente du fac-similé du présent ouvrage. Toutefois, elle est présente dans la version d’origine de cette œuvre : Le cadet de la Vérendrye, du même auteur, parue en 1897. Cette carte est reproduite ci-après.