Page:Roy - Le secret de l'amulette, 1926.djvu/44

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avant de rentrer à leurs quartiers, ils embrassèrent du regard l’immense étendue de pays qui se déroulait aux quatre points cardinaux.

— Mais voyez donc, senor, dit tout-à-coup Dona Maria, indiquant le sud de sa main mignonne : ne dirait-on pas qu’il y a là-bas des êtres humains en mouvement ?

Aussitôt tous les yeux se braquèrent dans la direction indiquée.

Il n’y avait pas à s’y tromper ; et avant une heure, Joseph saurait ce qu’étaient ces nouveaux personnages ; car ils avaient l’air de diriger leurs pas vers le fort.

— Pouvez-vous voir à quelle race ces gens appartiennent senor ? Si c’était un parti de mes compatriotes en exploration ?…

— Il est impossible de distinguer cela maintenant, mais dans une demi-heure nous serons fixés… En attendant, senorita, comme le froid est piquant, si vous entriez vous réchauffer ?… Je vous avertirai dès que j’aurai reconnu ce monde que la première vous nous avez signalé.

Dona Maria obéit. Joseph demeura sur la plate-forme du fort se promenant de long en large pour se tenir chaud.

Enfin, tout passe ; et trente minutes plus tard, Joseph avait reconnu une forte troupe de sauvages Assinibouëls. Il se rendit auprès de la jeune fille pour le lui annoncer, puis revînt au poste qu’il occupait. Tous ces peaux-rouges étaient chaussés de raquettes. Ils s’avançaient sans ordre, pêle-mêle ; quand ils arrivèrent sur la rive sud de la Saskatchewan, ils s’arrêtèrent un moment pour se masser ; puis, obéissant à la voix d’un chef ils descendirent la berge et traversèrent la rivière. Joseph essaya de les compter quoique cela fut difficile. Approximativement, il estima leur nombre à deux cents guerriers. Chose qui le surprit et lui inspira une stricte vigilance, c’est que pas une femme ni un enfant n’accompagnaient ces moricauds.

C’était évidemment un parti de guerre qui se présentait, car ils étaient trop nombreux pour un parti de chasse. Il les perdit de vue quand ils furent au bas de la rive nord, la hauteur de la berge les lui cachant et il commençait à s’étonner de ne les point voir apparaître, lorsqu’il aperçut à cinq cents verges à droite, sur la rivière, une dizaine d’indiens s’éloignant au pas de course, la tête penchée, suivant une piste : celle de Pierre et des deux Yahtchéilinis.

Puis apparurent gravissant la berge escarpée, les sauvages qui vinrent jusque sous les murs du fort.

Leurs chefs demandèrent à entrer ; ce que Joseph leur refusa.

— Je recevrai trois de vous, seulement, à condition que les guerriers Assinibouëls s’éloignent à quelque distance. Je me rappelle la tentative de vos frères l’an dernier quand ils voulurent abuser de la bonté des blancs et s’emparer d’eux et de leurs cabanes.

Les sauvages jurèrent qu’ils n’étaient pas ceux qui avaient médité la perte des Français et le prièrent de les écouter. Ils se retirèrent vers le village des Yhatchéilinis, avec lesquels ils fraternisèrent.

Durant ce temps-là, trois chefs Assinibouëls étaient reçus au fort. Ils firent de longues harangues qui tendaient à obtenir la grâce de leurs frères.

Joseph leur répondit qu’il n’était point en état de la leur accorder, qu’ils avaient monsieur le général pour père ; que celui-ci l’avait envoyé à eux, qu’il lui en rendrait compte et que ce dernier verrait ce qu’il aurait à faire, mais qu’ils pouvaient néanmoins être assurés que bien loin de leur faire subir la peine qu’ils méritaient, il porterait au contraire leur père Ononthio à leur pardonner, persuadé de la sincérité de leur repentir.

Sur ce, apparemment satisfait des paroles de Joseph, les Assinibouëls retournèrent rejoindre leurs guerriers.

Mais Joseph ne se départit pas de sa vigilance, et bien lui en prit.

Les Assinibouëls et les Yhatchéilinis se donnèrent réciproquement le calumet de paix. Pendant cinq jours ils se régalèrent entre eux, après quoi les premiers, se voyant beaucoup plus nombreux que les derniers firent main-basse sur eux et massacrèrent tout, hors quelques femmes et enfants qu’ils emmenèrent prisonniers.

Joseph fut témoin involontaire et impuissant de cette scène sanguinaire.

Il ne pouvait risquer sept hommes contre deux cents sauvages. Il leur envoya des coups de fusils qui causèrent quelque dommage aux assaillants, mais ceux-ci ne tardèrent pas à décamper, dirigeant leurs pas vers le sud-ouest.

Qu’étaient devenus Pierre, le Renard et l’Écureuil ?

Reprenons notre récit au moment où, vivement ému, le Renard racontait à Pierre qu’une balle avait sifflé à quelques pouces de