Page:Roy - Le secret de l'amulette, 1926.djvu/7

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vaient jouent les principaux rôles dans les pages suivantes.

M. le baron de Longueuil, chevalier de Saint-Louis, occupait alors la maison formant l’encoignure sud-ouest des rues Saint-Paul et Bonsecours, à quelques pas de la chapelle de ce dernier nom, et du quai des barques et canots du roi. Sa demeure formait un grand parallélogramme posé en longueur sur la rue Saint-Paul. Il habitait donc à l’extrémité est de Ville-Marie. La petite cité de Maisonneuve était renfermée dans une enceinte pas très vaste et ceux qui demeuraient aux extrémités est ou ouest de la place n’avaient pas une grande distance à parcourir, pour se rendre au bout opposé.

Quand les invités du gouverneur de Montréal prirent congé de lui vers les onze heures et demie, ils réintégrèrent leurs domiciles à pied, car l’usage de la voiture, même pour ceux qui en possédaient était impossible. Des ténèbres épaisses enveloppaient entièrement Montréal et il aurait été dangereux d’employer aucune sorte de véhicule par une obscurité semblable ; il n’y avait pas alors de lampes ni de fanaux aux coins des rues étroites pour les éclairer. Il était plus prudent d’aller à pied. Les hôtes du baron s’en allaient donc par groupes, précédés de quelques serviteurs portant un falot ou une lanterne dont la faible lumière trouait péniblement le manteau sombre de la nuit.

MM. Joseph de la Vérendrie et Pierre de Noyelles, unis par la parenté et par l’amitié qui naît toujours entre deux personnes vivant en bon voisinage, partirent ensemble de chez M. Le Moyne.

Baptiste et Jacques, domestiques de leurs familles, les attendaient sur le seuil de la maison ; les deux chevaliers leur laissant prendre une avance d’une dizaine de pas les suivirent bras-dessus bras-dessous.

La température était un peu vive, mais leurs longs manteaux les protégeaient contre la froidure d’une nuit de novembre.

M. le chevalier Louis-Joseph de la Vérendrie était le quatrième fils du célèbre voyageur qui, après douze ans de voyages et de traverses sans nombre, au-delà des grands lacs, à la recherche de la mer de l’ouest, avait jalonné sa route de postes français, ouvrant de vastes contrées à la religion de son Dieu et de son pays, la belle France.

Joseph avait connu les dangers des voyages aventureux en accompagnant son père dans ses pérégrinations et s’était fortement trempé au physique et au moral dans l’Ouest lointain, au sein des tribus sauvages et farouches et des positions difficiles, dont il s’était toujours tiré avec assez de succès, grâces à Dieu !

Il fut baptisé à Sorel le 9 novembre 1717. Joseph était d’une stature moyenne, mais il aurait paru plus grand qu’on ne le croyait à première vue n’eut été la vie des bois où il lui fallait souvent porter quelque fardeau sur son dos ; suivre courbé une piste humaine ou celle d’un gros gibier quelconque, ou encore, plié sur l’aviron, lequel employé vigoureusement fait voler sur l’onde la fragile barque d’écorce de bouleau. Tout cela avait un tant soit peu fait incliner la tête et le corps du jeune homme, comme chez ces personnes que l’on rencontre parfois, marchant, rêveuses, creusant quelque projet.

L’exercice acquise à la rude existence passée dans ces courses fatiguantes et accidentées lui fit des muscles d’acier, mais ne lui permit pas de donner à sa figure une apparence grassouillette, sans qu’on eût pu toutefois l’accuser de maigreur.

Sa physionomie très sympathique attirait tout de suite la confiance. La bonté, la douceur s’y réflétaient. Ses yeux noirs, à certains éclairs qui leur échappaient parfois, indiquaient qu’il possédait une énergie, une volonté tenaces, irrésistibles. Ses cheveux noirs selon la mode du temps étaient réunis sur le cou, par un ruban.

M. Pierre de Noyelles, le deuxième des fils du chevalier Nicolas-Joseph de Noyelles, major des troupes, pouvait se proclamer enfant de Montréal, puisqu’il avait vu le jour dans les murs de cette ville, le 3 novembre, 1721.

Pierre était plus petit que son ami, mais par contre plus en chair. Il se tenait toujours très droit, et marchait invariablement la tête haute ; souvent un sourire moqueur plissait ses lèvres, et son œil bleu semblait narguer. Le caractère vif, emporté subitement, mais se radoucissant bientôt, comme s’il eut eu conscience qu’il s’oubliait trop facilement. Tel, dans un paysage d’automne, une soudaine rafale surgit et d’un coup brusque enlève en tournoyant les feuilles et la poussière qui couvrent le sol et les répand dans les airs, embrouillant l’atmosphère si calme un instant auparavant. Mais le vent cesse tout à coup, et tout rentre dans la quiétude.

Brave, M. de Noyelles l’était. Bon sang ne peut mentir. Son père avait servi dans les troupes en France et en Canada. Son