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Page:Royer - Introduction à la philosophie des femmes, 1859.pdf/18

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en ressuscitant les créations disparues, en ont jeté les premiers fondements. Ils ont porté les plus rudes coups aux folles prétentions de l’orgueil de l’homme, qui jusqu’alors s’était déifié lui-même jusqu’à se considérer comme le but unique et final de la création, et ont rendu à chaque sorte d’êtres la place qui lui appartient devant Dieu.

Si la philosophie n’est pas faite, nous savons donc seulement qu’elle est à faire, nous le savons par les essais de l’antiquité, par les tentatives plus ou moins heureuses et plus ou moins renouvelées des Grecs du monde moderne. Mais pourquoi ferait-on de la philosophie le domaine exclusif de l’homme ? Je ne saurais trouver à cela de raison. Nous serait-il interdit d’aimer la science, le vrai, la sagesse, le bien ? Et comment donc aimer ce que l’on nous défendrait de connaître ? Reste à savoir si la philosophie peut être pour les femmes ce qu’elle est pour les hommes. Je crois qu’ici encore il doit y avoir analogie et non pas identité, comme je le disais plus haut à propos de l’art oratoire. La philosophie doit garder chez nous un caractère spécial, un caractère féminin. Notre philosophie doit être indépendante, elle peut avoir son développement particulier ; mais elle ne peut, je crois, qu’être essentiellement affirmative et surtout pratique. Nous sommes beaucoup plus faites pour l’action qu’on ne le pense ; le doute nous tue ; nous ne pouvons vivre avec lui ; nous avons une ardente impatience d’affirmer, de conclure, d’atteindre enfin à la sérénité de la certitude.