Les philosophes, il est vrai, ont admis dans tous les temps, depuis Platon jusqu’à notre siècle, sans même en excepter les écoles épicuriennes, mal comprises ou le plus souvent calomniées, que la moralité est au-dessus du savoir, que la sagesse est le but même de la science, but sans lequel celle-ci même serait inutile. Le bien-vivre en un mot a toujours été la fin de toute philosophie. Mais l’on a droit de s’étonner, d’après cela, qu’ils n’aient jamais reporté en Dieu même l’idéal de la vertu suprême, ou tout au moins qu’ils n’aient jamais réussi à présenter l’idéal divin dans toute sa perfection morale. Ils l’ont fait à leur image, à l’image de l’homme ; c’est pourquoi ils n’ont songé qu’à le faire fort, puissant, immense, irrésistible, victorieux, redoutable, infiniment savant, éternellement heureux ; leur haine de la douleur et de la mort leur a fait nier que Dieu pût souffrir et mourir ; ils lui ont prêté jusqu’à leurs vices ; ils l’ont dépeint colère et vindicatif. Jamais, sauf dans l’idée chrétienne, ils ne l’ont compris doué des vertus qui distinguent plus spécialement la femme ; c’est-à-dire que jamais ils ne l’ont conçu sous les attributs plus doux de l’infinie mansuétude, de la bonté gratuite, de l’amour immense qui s’immole soi-même et se donne sans retour dans un ineffable sacrifice. Est-ce une pure coïncidence que, d’autre part, la religion chrétienne soit la première, la seule jusqu’à présent, parmi toutes celles dont l’Orient a été le berceau, qui nous ait accordé droit d’égalité civique, au moins dans un autre monde, si ce n’est encore dans celui-ci ? N’avons-nous été pour rien dans