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Page:Royer - Introduction à la philosophie des femmes, 1859.pdf/31

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un art et une science, une spécialité enfin que l’on choisit par goût ou par utilité, mais toujours avec discernement selon ses aptitudes particulières, et que l’on cultive ensuite avec amour et émulation, comme l’occupation principale de sa vie. Mais s’adonner à quelque talent, à quelque étude spéciale sans posséder en soi le tableau de l’ensemble de la science, c’est d’abord s’exposer à mal choisir celui de ses nombreux rameaux que l’on est le plus apte à cultiver ; c’est, de plus, se condamner à ne jamais regarder la nature et la vie qu’à travers une lunette infidèle qui en change les proportions et les couleurs, grandit ou diminue les premières, et confond les secondes dans une désespérante uniformité.

Tel est le danger des spécialités trop absolues chez lesquelles une étude suffisante des généralités ne maintient pas le jugement dans un équilibre convenable. Elles sont fatalement entraînées à s’absorber dans les petites choses, dans les détails fatiguants d’une érudition toute encombrée d’un bagage de dates, de noms, de faits inutiles, qui, classés et mis à leur place dans l’histoire de l’univers, dans l’infini de l’espace et du temps, ressemblent à autant d’atômes de sable dans la construction d’une pyramide. Il est encore un autre écueil, c’est de ne voir en tout et partout que la science que l’on ne possède plus, parce qu’elle vous possède. Tel est le chimiste exclusif, qui du milieu de ses fourneaux et de ses cornues, veut expliquer toute chose par l’attraction, la cohésion et l’affinité ; tel est le phy-