sicien qui ne voit plus partout que polarité, électricité et magnétisme ; tel enfin le mathématicien, comme Pythagore, qui veut construire le monde avec des nombres, c’est-à-dire avec des abstractions pures.
L’Allemagne compte beaucoup de savants semblables. C’est le pays des excentricités intellectuelles, comme l’Amérique est celui des excentricités industrielles. Cependant rendons justice à ces piocheurs de la science, qui ont pris dans le laboratoire universel de l’idée la place de ces ouvriers-machines qui toute leur vie font des têtes d’épingles. Leurs patients travaux, leurs savantes analyses, leur connaissance persévérante et approfondie des détails, leurs mines creusées dans l’infiniment petit ou l’infiniment obscur ont fourni les matériaux nécessaires, indispensables à ces génies plus hardis, plus vastes, mais moins attentifs, qui saisissant d’un coup d’œil d’aigle tout ce que le travail de leurs devanciers présentait de savant, de général, de vraiment philosophique, en ont reconstruit ces grandes synthèses des sciences modernes qui permettent de résumer parfois en une seule loi le travail de mille générations d’observateurs. Ceux-ci ont taillé les pierres de la maison de la science ; les autres les ont mises en place ; l’édifice avance, mais il n’est pas achevé. Quelle est la main hardie qui en posera le faîte et y fera flotter son drapeau ? Cette gloire, je crois, est réservée à la France. L’Allemagne est trop lente, trop rêveuse, trop timide de caractère, trop enivrée de logique pure et d’abstraction pour exercer jamais sur l’esprit humain une action décisive et