vraiment puissante. On m’objectait un jour que la philosophie française était une philosophie à l’eau de rose : je crus devoir répondre qu’en retour la philosophie allemande était de l’eau distillée, sans saveur et sans parfum. En effet, les Allemands désossent le monde dans leur philosophie ; ils en font deux parts, l’une de chair vive et palpitante qui saigne et se tord de douleur en l’honneur du souverain bien, en attendant qu’il se réalise pour elle ; l’autre d’os disloqués et découverts qui s’entrechoquent affreusement avec un bruit de squelette en montrant, avec leur hideux visage, des mâchoires qui ne vivent plus et des orbites sans prunelles. Telle est leur philosophie théorique ; la chair vive et sans soutien osseux est leur philosophie pratique. Ce sont deux moitiés d’êtres vivants, mais qui ne peuvent pas vivre, parce qu’elles ne peuvent plus se réunir et que pourtant elles sont indispensables l’une à l’autre.
L’étude des êtres se divise d’abord en deux grandes classes fort inégales, entièrement différentes, antithétiques même ; elle se divise enfin entre la science du monde et celle de Dieu, la cosmologie et la théologie.
Le monde ou le kosmos est, selon le sens que les Grecs donnaient à ce terme, l’ensemble harmonieux des choses ; et ici on peut juger de la beauté de cette langue grecque, dont j’ai médit tout à l’heure, et qui sous un seul mot, doux à prononcer, pouvait contenir tant d’idées, et surtout l’idée de cette suprême beauté, de cet ordre calme que partout on respire dans cette admi-