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Page:Royer - Introduction à la philosophie des femmes, 1859.pdf/7

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austère et correcte ; mais la beauté même sans la grâce est dépouillée de son charme le plus indéfinissable et le plus vivant. Jusqu’à présent la vérité a manqué d’attraits, elle est restée triste et maussade, presque honteuse, laissant à la fable, déguisée sous le nom de poésie, le sourire et l’élégance aimable, les mouvements de la vie, les ornements les plus séduisants de l’esprit. Enfin, disons le mot, la science est demeurée tout empreinte du caractère viril, et la vérité n’a été qu’un marbre beau de proportion et de forme, mais glacé et inanimé. Puissé-je être le Pygmalion de cette statue ! puissé-je la faire parler et parler un langage intelligible à tous ! C’est ce que je tenterai dans la mesure de mon pouvoir.

Je rencontrerai bien des critiques. J’en ai déjà rencontré. Plusieurs ont été effrayés de mon entreprise, étonnés de mon programme. On l’a trouvé trop ambitieux : on m’a contesté jusqu’à la légitimité de mon titre. Le mot de philosophie a épouvanté. Or, qu’est-ce que la philosophie ? selon l’étymologie du mot, c’est l’amour de la sapience, de cette sapience que l’on trouve nommée dans la Vulgate comme l’un des noms, l’un des attributs essentiels de Dieu et que les Septante traduisent par sophia. Ce mot signifiait tout à la fois la science et la sagesse : la science ou la sagesse théorique, la sagesse ou science pratique, l’esprit de savoir aussi bien que l’esprit de conduite. Nos langues modernes, plus analytiques, ont divisé en deux l’idée représentée autrefois par un seul terme.