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HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE

cule de manière à faire éclater enfin ce tubercule-mère. Nous verrons plus loin que des cas semblables se sont produits, mais par d’autres causes.

En 1861, M. Duchartre signalait à la Société botanique de France[1] une monstruosité fort singulière, sous le titre de Fleurs décandres du Solanum tuberosum. On sait que la fleur de la Pomme de terre ne présente que cinq étamines : or, dans la monstruosité en question, il y en avait dix. Voici ce que disait M. Duchartre de cette organisation anomale. « Je dois dire avant tout que cette organisation ne s’est pas montrée comme un fait isolé ; mais que je l’ai trouvée dans toutes les fleurs adultes que portaient deux rameaux, et même dans des boutons encore très jeunes. Il paraît certain qu’elle existe comme caractère général dans cette forme de Pomme de terre et qu’elle se multiplie sans modification par la plantation des tubercules. Le calyce de la fleur n’a subi aucune altération : ses cinq lobes lancéolés se rétrécissent en une longue pointe terminale. Ce calyce enlevé, on a sous les yeux un corps complexe fort remarquable : c’est une sorte de godet blanc et presque pétaloïde, haut seulement de 4 à 5 millimètres, qui ne peut être autre chose que le tube de la corolle non prolongé en limbe ; le bord de ce godet corollin porte cinq étamines sessiles, parfaitement conformées, semblables aux étamines normales de la fleur de la Pomme de terre, mais un peu plus renflées, qui alternent fort régulièrement avec les lobes du calyce et qui occupent dès lors la place des divisions de la corolle. Entre ces étamines, et dans le même verticille, se trouvent cinq petits filets délicats et fort courts qui semblent être les seuls restes du limbe de la corolle. Sur la face interne du godet corollin et près de son bord se trouvent cinq étamines alternes avec les premières, et dans lesquelles il est impossible de ne pas voir les cinq étamines normales du Solanum tuberosum. Le pistil n’offre rien de particulier ni d’anomal. Ainsi, dans cette monstruosité, se présente le fait extrêmement curieux d’une transformation des lobes de la corolle en étamines : or, si le changement des étamines en pétales s’opère fréquemment, je ne sache pas qu’on ait encore signalé celui des

  1. Bulletin, t. VIII (1861).