Page:Roze - Histoire de la Pomme de terre, 1898.djvu/319

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
305
SES ENNEMIS ET SES MALADIES

tinuera cependant à se préoccuper des ravages de la Maladie, qui, grâce à de certaines précautions, tendèrent heureusement à s’atténuer. Mais voyons qu’elle a été la marche progressive du mal dans les diverses contrées de l’Europe. Duchartre, dans sa Revue botanique (1845), s’exprime ainsi à ce sujet :

« La première apparition de la Maladie a eu lieu en Belgique et en Hollande, vers la fin du mois de Juillet. Presque en même temps, elle s’est étendue à nos Départements du Nord ; au mois d’Août, elle sévissait déjà dans les environs de Paris, dans certaines parties de l’Allemagne. Bientôt elle s’est dirigée vers le Centre et l’Est de la France ; mais, malgré un petit nombre de faits isolés, elle semble avoir épargné nos départements méridionaux. Dès la Mi-Août, elle s’est déclarée dans l’Île de Wight ; elle a passé la Manche et s’est montrée en Angleterre sur une grande étendue de terrain. Enfin elle a attaqué l’Irlande, et ses progrès y ont été si rapides, qu’aujourd’hui la récolte des Pommes de terre y est regardée comme perdue ».

Le Times s’exprimait ainsi à ce sujet[1] : « La perte de la Pomme de terre serait aujourd’hui, pour les pays du Nord-Ouest de l’Europe, une bien plus grande calamité qu’elle n’aurait été pour la génération précédente. Mais l’Irlande, plus que tous les autres, dépend absolument de cette récolte, non seulement pour son bien-être, mais pour son existence. L’Angleterre, la Belgique et les autres points du Continent qui sont frappés de ce désastre, ont d’autres ressources. La Pomme de terre n’est qu’une partie de la nourriture de leur population. Mais en Irlande la population n’a des provisions que pour un an. Le paysan n’y compte qu’année par année. Il met en terre uniquement ce qu’il lui faut, en calculant juste, pour vivre une année. Si cela lui manque, il faut qu’il souffre de la faim pendant un mois ou deux. Il peut être secouru par ses voisins ; mais, si tous sont dans le même cas, d’où leur viendra le secours ? Une famine en Irlande est une des plus terribles calamités qui puissent être imaginées, comme de nature à interrompre le cours de la prospérité de l’Angleterre et les bienfaits plus substantiels de trente ans de paix. Les circonstances actuelles menacent d’une aggravation du mal au-delà même des horreurs ha-

  1. — Bonjean, Monographie de la Pomme de terre (1846).