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Page:Roze - Histoire de la Pomme de terre, 1898.djvu/320

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HISTOIRE DE LA POMME DE TERRE

bituelles. Il serait prématuré de suggérer un remède immédiat au désastre ; mais, quoi qu’on fasse, au nom du Ciel, que ce soit fait pour le mieux ».

Et l’on sait que ces craintes pessimistes ne se sont que trop réalisées ! Léonce de Lavergne, quelques années après, en avait constaté les résultats saisissants. « Quand le dénombrement décennal de la population fut fait en 1851, disait-il, au lieu de donner comme toujours un excédent notable, il révéla un déficit effrayant : un million d’habitants sur huit avait disparu. Le huitième de la population était mort de misère et de faim. Cette épouvantable calamité a fait ce que n’avaient pu faire des siècles de misère et d’oppression ; elle a vaincu l’Irlande. Le peuple irlandais, en voyant son principal aliment lui échapper, a commencé à comprendre qu’il n’y avait plus assez de place pour lui sur le sol de la patrie. Lui qui avait jusqu’alors obstinément résisté à toute pensée d’émigration comme à une désertion devant l’ennemi, s’est pris tout à coup de la passion opposée ; un courant ou, pour mieux dire, un torrent d’émigration s’est déclaré. Il a fallu remonter jusqu’aux traditions bibliques pour trouver un nom à cette fuite populaire qui n’a d’analogie que dans la grande migration des Israélites. On l’appelle l’exode comme au temps de Moïse. »

Nous trouvons dans les Comptes rendus annuels des travaux de la Société centrale d’Agriculture faits par Payen, quelques appréciations sur la marche de la Maladie de la Pomme de terre qu’il est intéressant de connaître.

En 1846, Payen s’exprimait ainsi : « Un immense fléau vint, l’année dernière, frapper en Europe l’une de ses plus précieuses cultures importées du Nouveau-Monde, semblables à ces événements providentiels dont la cause et la fin dépassent les limites de l’intelligence humaine ! Ce fut une affection toute spéciale qui envahit par degrés, pendant quatre mois, en Allemagne, en Suède, en Belgique, en Angleterre et en France les grandes et petites cultures de la plante originaire des Cordillères des Andes… Une influence spéciale, graduellement répandue du Nord à l’Ouest, du Centre à l’Est et au Sud de la France, plus active là où l’humidité domine, où la fumure est abondante, mais agissant, presque partout, dans des circonstances diverses ; inaperçue jusqu’alors, indépendante parfois des conditions météorologiques, suivant les