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SON INTRODUCTION EN EUROPE 83

bien connue ; qu’on remarque chez l’Irlandais le grand plat de Pommes de terre posé à terre, toute la famille accroupie autour, dévorant une quantité incroyable de cette nourriture, le mendiant même invité de bon cœur à en manger, le cochon en ayant sa part, aussi bien que la femme, les coqs, les poules, les dindons, les oies, le chien, le chat et peut-être la vache, et tous participant au même plat. On ne peut avoir été souvent témoin d’une pareille scène, sans être convaincu de l’abondance, et j’ajouterai de la gaîté qui l’accompagne. »

Nous pensons ne pouvoir mieux terminer ce paragraphe qu’en en tirant deux conclusions instructives. La première, comme nous l’avons déjà établi, c’est que la Pomme de terre, introduite en Angleterre, appartenait à une variété produisant des tubercules à peau jaunâtre et à fleurs violettes. La seconde conclusion, en tenant compte de ce que nous a appris Miller, c’est qu’en 1768 une deuxième variété avait trouvé place en Angleterre à côté de la première, car ses tubercules blancs à fleurs blanches ne nous semblent devoir être considérés que comme une simple modification de la variété jaunâtre à fleurs violettes. D’où provenait la deuxième variété à tubercules rouges et à fleurs violacées ? Très probablement du continent européen, qui ne possédait que cette variété depuis le XVIe siècle. Nous n’avons pas de document qui nous l’apprenne, mais nous verrons plus loin que la variété anglaise a été, au XVIIe siècle, apportée dans les Flandres et nous constaterons de même que vers le milieu du XVIIIe siècle, en France, on possédait également ces deux variétés à tubercules rougeâtres et jaunâtres.


§ 2. Introduction de la Pomme de terre sur le continent européen. — Il a déjà été question plusieurs fois de Clusius, l’un des plus célèbres botanistes du XVIe siècle. Il s’agit de Charles de l’Escluse, plus connu dans le monde savant sous son nom latinisé Clusius, né le 19 février 1526 à Arras, dans l’Artois, qui faisait alors partie des Flandres et se trouvait sous la domination espagnole. Son père, Michel de l’Escluse, était seigneur de Watènes, près d’Armentières, et conseiller à la cour provinciale de l’Artois ; sa mère, Guilliémine Quineault, fut une femme exemplaire par ses vertus et ses belles qualités. Il était l’aîné des enfants et devait prendre, à la mort de son père, en 1573, le titre de Seigneur de