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Rome, ils en abandonnèrent l’usage pour la nourriture des chevaux. L’orge qui se sème en Mars & en automne y fut commune. Le far succéda à l’orge, & Columelle en comptoit quatre espèces. Ce grain fut le plus estimé, tint le premier rang, & fut préféré au grain que nous nommons froment. Pline rapporte que le far bravoit les rigueurs de l’hiver ; & ce qu’il ajoute paroît bien extraordinaire, puisqu’il dit que le far se plaisoit dans les terrains crayeux & humides, dans les endroits secs & chauds ; aussi il le caractérise par l’épithète de très-dur. On ne connoît plus cette plante graminée. N’étoit-ce qu’une variété d’une espèce d’orge produite par la culture, ou une espèce d’orge venue spontanément ? Il y auroit lieu de le croire. Cette variété seroit-elle retournée au point d’où elle est partie ; c’est-à-dire, est-elle ensuite dégénérée par défaut de culture, ou par une autre cause quelconque ? Il est bien difficile de prononcer. Les commentateurs sur les ouvrages des écrivains romains, loin d’éclaircir la question, l’ont encore plus embrouillée. Seroit-ce l’orge sécourgeon ? En comparant la description du far faite par les anciens, & la rapprochant & la comparant avec les caractères qui distinguent l’orge sécourgeon des autres plantes fromentacées, on y trouve quelque analogie. Les romains, au rapport de Columelle, cultivèrent trois sortes de bleds, proprement dits : notre froment ordinaire, appelé robus, ou bled rouge, bled pesant ; la seconde espèce, le siligo, ou bled blanc ; enfin la troisième, le tremas, ou triticum trimestre, que nous appelons bled trémois. La culture de l’épeautre ou zea, étoit très-considérable dans les environs de Véronne, de Pise, & dans la Campanie, ainsi que celle du millet. On comptoit quatre sortes de panis, le rouge, le blanc, le noir & le pourpre. Le millet & le panis furent seulement connus au tems de Jules-César. Le seigle étoit peu estimé ; on mêloit sa farine avec celle du far ; & l’exemple des habitans des pieds des Alpes, qui en faisoient du pain, ne produisit aucun effet sur l’esprit des romains. Ah ! combien les siècles changent les idées des hommes ! Aujourd’hui les habitans, au moins des trois quarts de l’Europe, ne mangent que du pain de seigle.

Des Légumes. Le mot légume est pris ici dans son sens propre, & non pas au figuré, comme à Paris, où l’on appelle improprement légume une courge, un choux, une rave, un oignon, &c. Sous la dénomination de légume, les romains connurent la féve, les faséoles ou haricots, les lentilles, toutes les espèces de pois que nous cultivons ; la gesse, la vesse, les ers, les lupins, &c. La culture de ce dernier légume étoit très en vigueur. Il servoit à la nourriture de l’homme & des animaux, & je crois que dans toute l’Europe, les corses seuls le cultivent pour leur servir d’aliment. Ils mêlent sa farine avec de l’huile d’olive toujours forte & puante, ils la font cuire, & quelquefois ils se contentent de la faire cuire avec de l’eau salée.

Des Herbages. Les raves, les navets, les raiforts étoient en grande recommandation dans l’empire ; &