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tera beaucoup, & arrachera peu.

Le bien du royaume & de l’agriculture exigeroit que chaque propriétaire se fît un plan, d’après la quantité du terrain qu’il occupe, de planter chaque année un certain nombre d’arbres ; quand ce ne seroit qu’une douzaine pour une métairie de soixante arpens. Ô combien ces arbres souriroient ensuite à sa vue ! avec quel plaisir il se reposeroit sous leur ombre, & qu’il trouveroit délicieux les fruits que sa main y cueilleroit ! Dans la nature, tout n’a qu’un terme, & chaque pas de l’existence conduit au dépérissement, à la mort ; aussi la raison & nos besoins font sentir la nécessité de prévenir ce dépérissement, & de couper l’arbre avant que la vieillesse oblitère ses canaux, & le conduise pas à pas à la pourriture & à la dissolution. Dès qu’un arbre ne travaille plus à augmenter la hauteur de sa tige, la longueur de ses branches, la grosseur de son tronc, il décline & se dégrade insensiblement. Plus il s’éloigne de ce point de complément de force, plus il perd pour les usages auxquels on le destine, & il finit même par ne pas être propre à donner un bon charbon. Si on le brûle, sa flamme est moins vive, sa chaleur moins active ; si on l’emploie dans la construction, il sera bientôt exposé à servir de repaire aux insectes, aux vers, qui se rongeront, le chironneront de toute part ; enfin sa durée ne sera plus en proportion de sa force apparente. Le destine-t-on aux ouvrages de menuiserie ou de charronnage, il éprouvera bien plus promptement encore le même sort. Il est donc essentiel de saisir le point auquel il cesse de croître & va commencer à décliner.

Observons la nature dans sa marche, & elle nous découvrira son secret. Il est constant que tout arbre provenu de semence, & qui n’a pas été replanté, est garni de son pivot, & le pivot s’enfonce profondément dans la terre, si les circonstances le permettent. Ceux de cet ordre en ont tous, à moins qu’ils ne le perdent par quelques circonstances particulières. Voilà l’arbre parfait, l’arbre de la nature. Si, en le replantant, on a conservé son pivot & toutes ses racines, c’est encore l’arbre de la nature ; mais si ce pivot a été coupé, les racines étronçonnées & châtrées à la manière des jardiniers, c’est l’arbre civilisé, si je puis m’exprimer ainsi, l’arbre rempli de défauts. Cette distinction d’arbre à arbre est nécessaire pour saisir ce que je vais dire.


Planche XVIII, fig. 25
La graine germe ; de ses deux feuilles séminales s’élance une tige droite. (Voyez Planche 18, Figure 25, page 570.) Cette tige A, supposée un arbre, ne poussera point de branches lattérales dans la première année. Celles qui paraîtront l’année suivante, décriront avec la tige un angle de dix degrés ; celles qui succéderont d’année en année, décriront successivement des angles, de vingt, trente, quarante degrés. De quarante à cinquante, voilà la force de l’arbre : de cinquante à soixante, l’arbre se soutient ; il se charge de petits rameaux, dont les pousses sont courtes, & sont presque à fruit en même tems ; mais dès que les