Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/99

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sont pas sacrifiées en périssant sous le couteau qui coupe leurs ouvrages !

Les ruches composées de plusieurs hausses sont préférables à celles-ci, parce qu’elles ne sont point sujettes aux mêmes inconvéniens. La cire n’y vieillit point comme dans les premières, puisque dans la taille on enlève toujours la hausse supérieure, qu’on remplace par une autre ajoutée par le bas : les fausses teignes ont moins le tems de s’y établir ; il est bien difficile qu’elles puissent ravager une ruche entière, qu’on a la facilité de renouveller dans une année par le déplacement & le remplacement successifs des hausses. Les abeilles ne sont jamais oisives dans leur habitation, faute du logement nécessaire pour mettre leurs provisions. Si l’on ne juge pas à-propos de prendre une partie des provisions que contient une ruche trop pleine, on ajoute une hausse par le bas, que les abeilles s’occupent à remplir ; de cette manière, on les entretient dans l’activité & l’ardeur du travail, sans les dépouiller mal-à-propos d’une partie de leurs richesses. Le couvain est toujours hors de danger : élevé d’abord dans la hausse supérieure, son éducation est finie, quand l’inférieure, pleine de nouveaux ouvrages, annonce qu’on peut sans danger faire un vol aux abeilles, en leur enlevant la hausse supérieure qu’on ne trouve remplie que de cire & de miel. Ce vol n’expose les abeilles ni celui qui le fait, à aucun péril : ramassées près des magasins qu’elles s’occupent à remplir, près des cellules où une nouvelle famille exige leurs soins, elles ont quitté la hausse supérieure, où leur présence n’est plus utile, puisqu’il n’y a plus d’ouvrages à faire.

Quelque ingénieuse que soit la construction des ruches à hausses de M. Palteau, elles n’ont pas toute l’utilité, ne réunissent point tous les avantages qu’il avoit d’abord annoncés : les inconvéniens qu’elles offrent ne permettent pas de les adopter sans changemens. 1o. Ces ruches sont un objet de dépense trop considérable pour les pauvres habitans de la campagne, qu’on doit avoir principalement en vue dans les inventions utiles. M. Palteau avoue que chacune de ses ruches coûte six livres dix sols : selon toute apparence, son calcul a été fait en homme jaloux d’accréditer une chose qu’il avoit inventée, qui par conséquent n’a point fait entrer en compte bien de petits objets qu’il a jugés de peu de valeur, parce qu’ils étoient à sa disposition : il n’en est pas ainsi quand il faut exactement tout acheter. Plusieurs ouvriers intelligens qui ont été consultés, assurent qu’il n’est point possible de faire une ruche, avec toutes ses dépendances, selon le modèle de celles-ci, à moins d’une pistole : or, ce prix est excessif lorsqu’on veut se procurer une certaine quantité de ruches : ne fût-il, à toute rigueur, que de six livres dix sols, il seroit encore trop haut pour la plus grande partie des gens de la campagne : une fortune médiocre, plus communément l’indigence, les mettent dans l’impossibilité de faire les avances auxquelles ils seroient obligés, pour se fournir