Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/302

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dérations particulières, déterminent à penser que le froment est une espèce due à la culture, & qui s’est perpétuée de race en race, puisque les plus anciens historiens de tous les pays, parlent avec éloge de cette plante si essentielle à la subsistance des humains. L’Amérique a tiré ses blés d’Europe ; ils n’y croissoient pas spontanément, parce qu’avant la découverte de cet autre hémisphère, la terre n’y étoit pas cultivée ; de sorte que si l’espèce des illinois est un vrai froment, elle est encore bien éloignée de la perfection même des plus mauvais blés d’Europe. M. l’abbé Poncelet, à qui l’on est redevable d’une excellente Histoire naturelle du froment, a essayé de reconnoître par la dégénérescence, s’il pourroit ramener notre froment à son état primitif. Après l’avoir semé, il en a coupé les premières tiges très-peu élevées encore ; ces tiges se sont multipliées. Il les a encore coupées de nouveau ; elles n’ont point cessé de croître & de multiplier ; enfin, il a recommencé si souvent cette opération, que les tiges extraordinairement multipliées n’étoient pas plus grosses que celles du gramen ou chiendent ordinaire. Il a conservé pendant deux ans ce grain dégénéré, sans être certain qu’il fût devenu ou bisannuel seulement, ou vivace. Il vouloit, après cette dégénération bien constatée, ramener par la culture ce même froment à son état de perfection ; mais des circonstances particulières ne lui ont plus permis de suivre son expérience. Je la répéte actuellement, & j’en rendrai compte à la fin de cet Ouvrage.

Ce n’est pas le cas de parler ici de la culture du blé en général, de la nature des terres qui conviennent à chaque espèce de blé en particulier, des instrumens pour ouvrir la terre & recouvrir la semence ; des engrais que ces terres exigent, ni de la préparation des grains avant de les semer : ces objets seront traités séparément sous le mot propre de chaque espèce. Il ne s’agit actuellement que des points généraux & communs à toutes les espèces, & qui éviteront des répétitions par la suite. La première chose à examiner, est, comment & par quelles loix s’exécutent le développement du germe & la végétation de la plante ? & ensuite quels sont les principes constituans du blé ? La richesse principale des campagnes dépend de ces deux objets. Le bien-être des propriétaires & des habitans des villes en est le résultat. Il est donc très-important que le cultivateur soit instruit, & que l’instruction lui serve ou à abandonner les pratiques vicieuses de culture, ou à perfectionner celles qu’il a trouvées établies. Chaque pays a sa méthode, & dans chaque pays on dit qu’elle est fondée sur l’expérience ; cela est vrai jusqu’à un certain point. J’ai demandé cent fois aux cultivateurs, s’ils avoient fait des expériences comparatives avec leur méthode, pour juger s’il n’y avoit rien à y changer ? Tous m’ont répondu négativement, disant que leur méthode étoit bonne, & il ne m’a pas été possible d’en tirer d’autres éclaircissemens. Lorsque le cultivateur connoîtra parfaitement les principes du blé, la marche de sa végétation, la nature du sol qu’il