Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/633

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rétablit ensuite dans la même forme, & souvent occupe une plus grande étendue. C’est par cette force élastique qu’il s’insinue dans les corps, y portant avec lui la facilité spéciale de se dilater. De là naissent les oscillations continuelles dans les parties auxquelles il se mêle, parce que son degré de chaleur, sa gravité, sa densité, ainsi que son élasticité & son expansion, ne restent jamais les mêmes pendant l’espace d’une ou deux minutes de suite : il se fait donc dans tous les corps, sur-tout les corps fluides, une vibration, une dilatation, & une contension continuelles.

Il est impossible dans ce moment, de considérer cette espèce d’air comme un corps isolé sans un degré quelconque de chaleur ou de froid, qui le rend tour-à-tour plus ou moins élastique, plus ou moins humide ou sec, &c. C’est par ces qualités accessoires, mais inséparables, qu’il agit sur les vaisseaux remplis de liqueurs spiritueuses. Du raisonnement, passons à l’expérience toujours plus convaincante.

Prenons un thermomètre (voyez ce mot) gradué pour le climat de la France, afin d’avoir un terme moyen des deux extrêmes. On a vu l’esprit-de-vin ou le mercure monter dans le tube à trente & trente-un degrés de chaleur, & on a vu ces mêmes fluides descendre à seize degrés au-dessous du terme de la glace ; voilà donc une variation de quarante-six degrés, que ces fluides ont éprouvée dans le tube. Or, ce qui s’opère sur le fluide du tube, s’opère également sur les autres fluides renfermés dans des vaisseaux qui ne sont pas privés d’air. Il est vrai que dans ces derniers la dilatation & la condensation n’y sont pas aussi marquées, aussi sensibles parce que l’air intérieur s’y oppose, au lieu que les autres se font dans le vide, mais elles n’existent pas moins. Quant à la manière d’agir de l’air par sa pesanteur, elle est démontrée par le baromètre ; (voyez ce mot) le mercure monte & descend suivant l’état de l’atmosphère, & le vin se condense & se dilate également dans le tonneau.

Des expériences de comparaison, passons à une expérience prise dans le vent même. Si le vent du nord règne pendant quelques jours, la liqueur est claire dans le tonneau ; si, au contraire, le vent du sud souffle, le vin perd une partie de sa transparence, sa couleur est fausse, louche, trouble, &c. Il est donc démontré que l’air atmosphérique agit sur le vin renfermé dans les tonneaux ; il est donc encore démontré que plus les fluides restent exposés à son action, plus ils sont sujets à se décomposer, & la décomposition est plus rapide, en raison de la plus ou moins grande quantité de principes qui ont concouru à leur formation ; enfin, en raison de la manière d’être de ces principes entr’eux. L’esprit-de-vin est un être très-simple, infiniment plus que le vin ; aussi sa durée est presque inaltérable. Les vins doux où le principe sucré domine, tels que les vins d’Espagne, de Grèce, &c. sont moins susceptibles d’altération que les autres ; 1o. parce que l’abondance de leur mucilage retient plus intimément la partie spiritueuse, & empêche son évaporation ; 2o. parce que la partie sucrée & surabondante sert à donner du nouvel esprit à mesure que celui qui est déjà formé s’évapore ; 3o. parce que l’air fixe (voyez ce mot) est plus resserré entre les mo-