Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/636

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la plus parfaite sans contredit est celle où le thermomètre se maintient toujours entre dix degrés & dix degrés & un quart de chaleur, terme que les physiciens ont appelle tempéré. Telles sont les caves de l’observatoire de Paris ; tels sont tous les souterrains où les variations du chaud & du froid sont insensibles. Plus la température d’une cave s’éloigne de ce point, moins elle est bonne. Voilà la véritable pierre de touche & la condition par excellence. Si donc une cave n’est pas assez profonde, il faut la creuser davantage, & la charger de terre ; si elle est trop exposée à l’action de l’air, la mettre à l’abri, l’environner de murs, lui donner un toit, multiplier les portes, diminuer les soupiraux, boucher ceux qui sont mal placés, en ouvrir de nouveaux, établir des courans d’air frais, &c.

Une bonne cave doit être éloignée de tout passage de voitures, de tout attelier de forgerons & d’ouvriers qui frappent sans cesse. Ces coups, ces tremoussemens répondent jusqu’aux vaisseaux, & font osciller les fluides qu’ils renferment ; ils facilitent par-là le dégagement de cet air fixe, le premier lien des corps, la lie se recombine avec le vin, la fermentation insensible est augmentée, & la liqueur plus promptement décomposée : je parle d’après l’expérience.

Une cave ne sauroit être trop sèche. L’humidité abyme les tonneaux, fait moisir & pourrir les cerceaux, ils éclatent, & le vin se perd. D’ailleurs, cette humidité pénètre insensiblement le bois, & à la longue, communique au vin un goût de moisi.

Lorsque vous bâtirez une cave, & que vous craindrez la filtration des eaux, faites pratiquer un fort corroi de terre glaise par derrière le mur à mesure qu’on l’élevera, & continuez ce corroi sur toute la voûte. Si dans le canton il est possible de se procurer de la pouzzolane, mêlez-en un tiers avec autant de chaux & autant de sable pour en faire un mortier, ou bien, bâtissez les caves en béton comme on le dira plus bas ; si vous n’avez pas de pouzzolane, composez un ciment ou mortier avec moitié chaux nouvellement éteinte & encore chaude, & moitié cendres & briques pilées ; que si le mur est déjà élevé, recouvrez tous ses parois avec ce ciment. Si le sol de la cave est humide, recouvrez-le d’un demi-pied de béton. (Voyez ce mot)

Dans les caves profondes, l’air a beaucoup de peine à s’y renouveler ; peu-à-peu il se corrompt, se vicie, & même dans quelques-unes il devient mortel. Toutes les fois que dans une cave, la lumière d’une bougie, d’une chandelle, &c. n’est pas vive comme à l’ordinaire, on peut dire que l’air y est vicié. Si la flamme s’élève vers le sommet du lumignon, si elle est petite, cet air a un degré de plus de corruption. Enfin, si la lumière s’éteint, la personne qui la porte ne tardera pas à tomber en asphyxie. (voyez ce mot où l’on trouve les remèdes qu’il faut administrer dans ce cas) La lumière alors s’éteint plus promptement lorsqu’on l’approche de terre, que lorsqu’on l’élève vers la voûte, parce que cet air vicié, cet air fixe est plus pesant que l’air atmosphérique, qui surnage cet air fixe. D’après ce point de fait, il est très-important que les soupiraux prennent naissance du sol de la cave, & non pas simplement du haut de la voûte, ainsi qu’on le pratique ordinairement.

M. Bidet dans son Traité de la