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ténuité, l’eau, le sel, l’huile & la terre végétale ou l’humus, c’est-à-dire la terre parfaitement soluble dans l’eau, sont en état de pénétrer dans les plus petits orifices des dernières extrémités des racines capillaires & dans les pores de ces racines ; (voyez ce mot) enfin de monter dans ses vaisseaux de la plante, d’y circuler avec la sève, & d’y porter la nourriture & la vie. Si, malgré l’expérience, on n’admet pas ce principe savonneux, je ne vois & ne connois aucune manière satisfaisante d’expliquer comment l’eau, l’huile, le sel & la terre, qui composent toutes les plantes, & que l’on retire par l’analyse chimique, ont pu y pénétrer.

Il est aisé actuellement de concevoir pourquoi les cendres produisent un excellent engrais pour les prairies. Un pré chargé de plantes qui se touchent près à près, voit chaque année sa couche végétale être augmentée. Plusieurs plantes annuelles périssent, d’autres bisannuelles périssent aussi après avoir donné leurs graines ; la fane des plantes vivaces se dessèche chaque année, en tout ou en partie. Les détrimens de ces végétaux rendent plus à la terre qu’ils n’ont reçu d’elle, tel que l’humus, terre calcaire soluble, atténuée à l’infini, & qui, par une succession non interrompue, sert à les nourrir pendant les années suivantes. Supposez une terre rougeâtre, semez-y une prairie ; quelques années après, détruisez cette prairie, & vous trouverez la couche superficielle du sol convertie en terre brune, fine & douce au toucher ; & voilà le résultat des débris des végétaux.

Ce n’est pas tout : plus le sol sera couvert de plantes, & plus le nombre des insectes y sera multiplié. Chaque plante a son insecte particulier : quelques-unes en ont plusieurs, & on compte plus de cent insectes divers qui vivent sur le chêne. Comme chacun de ces insectes a un ou plusieurs ennemis particuliers qui les dévorent, leur nombre devient prodigieux, sans parler de celui des insectes qui vivent dans la terre. Or, tous ces animaux payent le tribut à la nature, les uns plutôt, les autres plus tard, & fournissent à la terre les substances graisseuses & huileuses ; enfin la portion de terre calcaire qui composoit la charpente solide de leur corps, & cette terre est le véritable humus, la véritable terre soluble. Voilà la seconde ressource de la nature pour la végétation. La terre soluble ou l’humus, est due à la décomposition des végétaux, des animaux, de l’homme même, & il faut un principe salin pour rendre miscibles à l’eau, ces différentes substances graisseuses, huileuses, calcaires ; & c’est ce que les cendres opèrent lorsqu’on les considère comme contenant un sel alcali.

Un second avantage de ce sel alcali est de tomber facilement en déliquescence, c’est-à-dire, d’attirer puissamment l’humidité de l’air, & par conséquent le sel aërien ou acide qu’il contient ; de s’unir avec ce nouveau sel, de faire avec lui un sel neutre, & d’agir puissamment tous deux ensemble sur les substances animales, pour les rendre miscibles à l’eau, & propres à la végétation.

On dit que les cendres raniment une prairie, lui donnent une nouvelle vie. Cela est vrai. Comme la substance animale est plus abondante dans ce cas, que le principe salin,