Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/656

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la plante languit, végète mal, jaunit, & sa nourriture est indigeste ; elle n’est pas assez élaborée ; elle ne sauroit parvenir à l’état savonneux ; mais dès que le principe salin ou alcali est en quantité proportionnée, la combinaison devient plus exacte, plus intime, & la plante reçoit enfin une nourriture proportionnée à ses besoins, qui ranime sa végétation, & la fait prospérer.

Si, au contraire, vous surchargez ce terrain de cendres, c’est-à-dire, d’alcali, la prairie ne tarde pas à jaunir, l’herbe à se dessécher & à périr comme si elle avoit été réellement brûlée par un coup de soleil. La raison en est simple : ce sel ne trouve plus la quantité proportionnée de substances animales pour les combiner en état de savon, le sel est excédent, il est soluble dans l’eau, monte en surabondance dans la plante, corrode ses vaisseaux délicats, & elle périt : c’est donc de la juste proportion des principes unis ensemble que dépend la bonne végétation. Aussi rien n’est plus ridicule, à mon avis, que les conseils donnés par les faiseurs de livres sur l’agriculture. Toujours la mesure à la main, pour avoir un air magistral, ils disent gravement à leurs lecteurs : Mettez tant de tombereaux de fumier par arpent, tant de mesures de cendres, comme si la même terre que je suppose de trente arpens étoit égale, quant à la qualité, dans toute son étendue. Quant à moi, je dirois au cultivateur : Étudiez votre terrain, que je ne puis connoître, faites des expériences, & d’après elles, réglez-vous sur la quantité des engrais que vous avez à donner à vos champs, à vos prairies, &c.

IV. Peut-on suppléer les cendres par d’autres substances ? Les cendres neuves ou non lessivées sont ordinairement très-coûteuses, à cause de l’emploi domestique auquel on les destine, à moins qu’on n’habite près des lieux où l’on fait le salin, c’est-à-dire où la difficulté & l’éloignement pour le transport des bois oblige de brûler sur place les bois des forêts, & de les réduire en cendres. Ces cendres mêmes reviendroient fort cher, si la distance étoit un peu considérable. Quant au prix des soudes ou salicors, & des varecs, (voyez ces mots) que l’on brûle sur les bords de la mer, il n’est pas assez bas, si on veut se servir de ces substances en qualité d’engrais. D’ailleurs, les soudes & les varecs sont en masses solides, & il en coûteroit encore beaucoup pour les réduire en poussière. Quant aux cendres lessivées, elles contiennent trop peu de principes alcalis après la lixiviation ; il faut donc les laisser pendant long-tems, ainsi qu’il a été dit, exposées à l’action de l’air, &c. Somme totale, l’engrais par les cendres devient fort dispendieux.

Il a été prouvé que le principe actif des cendres est en tout semblable à celui qui constitue la chaux. Pourquoi donc ne pas employer la chaux, le plâtre ? (Voy. ces mots) L’expérience la plus soutenue a démontré leur efficacité : ce seroit vouloir se refuser à l’évidence. Une mesure de chaux équivaut au moins à trois mesures de cendres neuves, & à plus de trente de cendres lessivées. Pour se servir de la chaux, il faut la laisser fuser à l’air libre, sous un hangar qui la garantisse de la pluie ; quant au plâtre, on l’emploie réduit en poudre, après qu’il a été calciné, & tel qu’on l’ap-