Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1782, tome 2.djvu/693

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quelconque à une distance connue, nous en fait éprouver une quatre fois moindre à une distance double, & neuf fois plus foible à une distance triple, & ainsi de suite : car on doit regarder le foyer d’où part la chaleur, comme le centre d’une infinité de rayons chauds qui vont toujours en s’écartant les uns des autres. Plus on sera près du centre, & plus le nombre des rayons qui agiront sur nos organes, sera grand ; plus on s’éloignera de ce centre pour s’approcher de la circonférence de cette sphère de chaleur, & moins le nombre de rayons sera considérable. L’expérience démontre tous les jours la vérité de cette explication : à mesure que vous vous approchez d’un foyer embrasé, vous éprouvez de plus en plus de la chaleur ; à mesure que vous vous éloignez, cette chaleur qui étoit brûlante, se tempère insensiblement, & ne devient plus qu’une sensation douce & agréable.

Quoique la propagation de la chaleur paroisse être la même que celle de la lumière & du feu, elle se rapproche cependant davantage, par sa nature, du feu que de la lumière ; car elle existe très-souvent sans lumière, & l’on peut difficilement concevoir la chaleur sans la présence du feu. La chaleur réside & pénètre tous les corps de la nature ; elle agit sur tous, & tous sont plus ou moins affectés par sa présence : on doit même ajouter qu’il n’en est aucun qui n’ait un degré de chaleur habituel : l’eau, l’air, la terre jouissent de différens degrés de chaleur qui leur sont propres, & que les circonstances peuvent développer, augmenter ou diminuer, mais peut-être jamais annihiler. La chaleur comme un fluide, tend sans cesse à se distribuer uniformément & à se mettre en équilibre dans tous les corps. Un corps plus chaud placé sur un corps plus froid, perd une partie de sa chaleur, qui pénètre le corps plus froid ; le premier se refroidit, tandis que le second s’échauffe proportionnellement, jusqu’à ce que l’un & l’autre aient acquis le même degré. C’est la raison pour laquelle tous les corps prennent à-peu-près la même température que l’atmosphère dans laquelle ils sont exposés. La pénétration de la chaleur dans un corps, y opère en petit & à la longue les mêmes effets que le feu y produiroit ; elle en chasse insensiblement toutes les parties humides, dilate les solides, ouvre leurs pores, augmente la fluidité des liquides & les fait évaporer, ce qui produit la dureté du corps qui les receloit dans ses interstices. C’est ainsi que les argiles, les terres, les pierres même durcissent au soleil & à la chaleur des fourneaux. En général les principaux effets de la chaleur se réduisent à ceux-ci : raréfaction & évaporation des fluides seuls, dilatation des solides seuls, condensation & endurcissement des mixtes composés de solides & de fluides ; & ces effets sont les grands principes de tout ce qui se passe sous nos yeux, de tous les phénomènes de la nature dans les règnes animal & végétal. Comme nous ne pouvons faire un pas assuré dans l’œconomie rurale, sans bien entendre & leurs causes & leurs manières d’agir, nous allons les parcourir successivement.


§. II. Deux espèces de chaleur : chaleur naturelle, & chaleur artificielle.

Pour parler avec plus de clarté & de méthode, qu’il nous soit permis