Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/169

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souffrir quelques exceptions ; mais ces exceptions ne la détruisent pas, & on verra bientôt la preuve de ce que j’avance.

Pourquoi ne trouve-t-on plus aujourd’hui des châtaigniers ou des marronniers, dont la tige soit très-longue ? Les charpentes de presque toutes les anciennes églises sont, dit-on, construites avec leurs poutres, & la longueur de leur portée étonne. On diroit que ces arbres, aujourd’hui, prennent en diamètre de leur tronc, en étendue de leurs branches, ce qu’ils ont perdu en hauteur. Est-ce le froid ou la sécheresse qui ont fait périr ces arbres d’une si belle venue ? Mais comment l’effet de ces météores auroit-il agi également sur les Pyrénées, sur les Alpes, sur les montagnes de Corse, & sur les endroits élevés de l’intérieur du royaume, &c. ? Le froid n’est jamais général, celui de 1709 ne le fut pas, & il en est ainsi de la sécheresse. Il y a lieu de douter que ces poutres énormes soient effectivement de châtaignier. Le bois du chêne blanc, après un grand nombre d’années, acquiert le grain & le coup d’œil du bois de châtaignier. C’est ce que M. de Buffon a parfaitement démontré.

Le châtaignier est un arbre forestier, tel que le chêne, le hêtre, & nous avons en France des forêts où il en existoit sûrement du temps des Druides. Si nous parcourons le pays des montagnes du troisième ordre, nous trouverons dans les Vosges des marrons excellens ; à Aubonne, sur la chaîne des Monts-Jura en Franche-Comté, des marrons estimés, & dont il se fait un gros commerce ; les montagnes du Bugey offrent les mêmes productions. Dans le Dauphiné, les marrons y acquièrent une grosseur surprenante ; ils descendent par bateau sur l’Isère, remontent le Rhône & arrivent à Lyon, qui en devient l’entrepôt pour Paris, &c. En continuant à suivre la chaîne orientale des montagnes de France, on trouve dans la Provence, les Maures qui sont un embranchement des Alpes, lequel va se précipiter dans la mer entre Toulon & Frejus. (Voyez la carte des bassins du royaume, au mot Agriculture) Le lieu particulier, nommé la Garde de Frainet, sur les Maures, fournit les fameux marrons du Luc, si renommés en Provence ; le Luc leur sert d’entrepôt. Actuellement en remontant du midi au nord du royaume, par une semblable parallèle, les montagnes de la partie du sud de Languedoc, & celles qui bordent le cours du Rhône, donneront les marrons renommés de Saint-Pons, du Vivarais & du Lyonnois. Lyon est l’entrepôt des marrons du Vivarais & du Dauphiné, & plusieurs auteurs ont par là été induits en erreur, & ont avancé que le Lyonnois ne fournissoit pas des marrons. Au contraire, c’est ceux du territoire du Brésil, paroisse de Loire, à quatre lieues de Lyon, qui ont donné la célébrité aux autres qu’on vend à Paris sous le nom de marrons de Lyon. Ils sont plus petits, plus ronds que ceux du Vivarais & du Dauphiné, mais il n’y a aucune comparaison à faire entr’eux pour la finesse du goût. Quoique plus petits, ils sont toujours beaucoup plus chers que les gros. Dans ce lieu d’entrepôt, on fait trois classes des marrons qu’on y apporte. La première est pour les plus gros ;