Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/19

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vement toutes celles de l’assemblée. C’est à la clarté de ce feu passager, mais actif, que chacun travaille, chante sa chanson, ou fait des contes pour amuser l’assemblée où la gaieté est souvent assise à côté de la plus grande misère. Là, elles oublient leurs maux, & le sérançoir n’en dissiperoit pas le souvenir. Je conviens cependant que le séran a de grands avantages, il accélère l’ouvrage & commence à enlever cette poussière si terrible & si funeste à la poitrine. Par cette raison, le chanvre sérancé pèse beaucoup moins que le chanvre teillé. C’est une observation à faire lorsqu’on achète le chanvre brut.

À mesure qu’on teille ou sérance le chanvre, on fait des paquets de deux à trois livres des écorces détachées des chenevottes, en observant de ne point mêlanger les fils ; on les tord & on les lie, pour qu’ils ne se détordent pas. Dans quelques endroits on a la louable coutume de tremper ces tresses dans l’eau ; & lorsqu’elles en sont bien imbibées, on les met rang par rang dans un cuvier ou dans une fosse que l’on remplit d’eau. Ces tresses y séjournent pendant quelque temps, afin que l’eau dissolve la matière glutineuse qui étoit restée adhérente à l’écorce. Si ces tresses séjournent plusieurs jours de suite dans cette eau, si la chaleur de la saison ou du lieu est assez considérable, il s’établira une fermentation dans le cuvier, & la matière glutineuse en sera mieux dissoute. Cette fermentation doit être prolongée à un certain point seulement, autrement elle agiroit sur le nerf du fil. Lorsqu’on retire les tresses, on les bat sur un billot incliné, avec un battoir semblable à celui des lavandières, on les tord de temps en temps, on les bat de nouveau, & ainsi tour à tour, jusqu’à ce que la tresse soit, autant qu’il est possible dans cette opération, purgée de l’eau dans laquelle elle a fermenté.

La tresse est ensuite détordue, déliée sans mêler ses brins, & lavée à plusieurs reprises dans une eau courante & nette, ou dans un cuvier percé à son fond, si on est éloigné d’une rivière ou d’une fontaine. Ce procédé n’équivaut jamais au courant de la rivière, parce que le brin est bien mieux lavé & le point important est qu’il le soit parfaitement.

J’ai vu dans d’autres endroits placer des tresses dans un cuvier, les couvrir d’un drap, charger ce drap avec de la cendre, & enfin couler une lessive en tout semblable à celle du linge. Les tresses enlevées ensuite du cuvier sont lavées à l’eau courante, ainsi qu’il a été dit. Ce procédé me paroît mériter la plus grande attention. Les tresses, après leur exsiccation, sont très-blanches, & la partie glutineuse presque entièrement détruite.

M. le Prince de Saint Sévère, si connu par son goût & ses travaux en chymie, proposa il y a plusieurs années un procédé pour faire le chanvre aussi beau, aussi fin que celui de Perse. Voici en quoi il consiste.

Pour chaque livre de chanvre, prenez six livres d’eau, demi-livre de soude pulvérisée ou de cendres, un quart de livre de chaux fleurie ou en poudre.

Il faut prendre du chanvre le plus court, le passer par un peigne à dégrossir pour rompre les têtes & en ôter les ordures. On le lie par