Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/26

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apparence, ils paroissent enfin aussi gros, aussi pleins que ceux qui ne sont point attaqués. On peut connoître au poids, les grains dont l’intérieur a été rongé par les charançons ; on sçait combien doit peser une mesure de blé à une ou deux livres près : lorsqu’il y a une différence considérable pour le poids, c’est-à-dire, qu’il est moindre qu’il ne devroit être, c’est une marque assurée que les charançons ont dévoré la substance farineuse des grains, à moins que le blé soit d’une si mauvaise qualité, que les grains en soient ridés : tout cela est aisé à connoître à la vue & au maniement. La marque la moins équivoque, c’est lorsqu’on jette plusieurs poignées de grains dans l’eau ; ceux qui paroissent beaux & qui surnagent, annoncent qu’ils ont perdu une partie de leur substance farineuse, par les dégâts des charançons.

Tant qu’il fait chaud, les charançons ne quittent point le tas de blé dont ils se sont emparés, à moins qu’on ne les oblige à en déloger & à l’abandonner, en le remuant avec des pelles ou en le passant au crible. Dès que les matinées commencent à devenir fraîches, tous les charançons, jeunes & vieux, abandonnent les monceaux de blé, qui ne sont plus une retraite assez chaude pour eux : ils se retirent dans les fentes des murs, dans les gerçures des bois des planchers ; ou en trouve quelquefois derrière les tapisseries, dans les cheminées ; enfin par-tout où ils peuvent trouver une retraite assurée, qui les garantisse du froid qui les fait fuir des greniers. Ceux qui naissent quand il commence à faire froid, périssent ordinairement avant d’avoir gagné un asyle où ils puissent braver la rigueur de la saison. Au retour du printemps, ils sortent de leurs retraites pour aller chercher les tas de blé qu’ils ont abandonnés pendant l’hiver : cette saison est ordinairement celle où ils font les plus grands dégâts, parce que leur ponte va commencer, & qu’il semble qu’ils veulent se dédommager du temps qu’ils ont perdu lorsqu’il faisoit froid.

Lorsque la femelle fait sa ponte, elle ne choisit pas les grains qui sont les plus gros, parce que la larve qui ronge toujours devant elle, s’enfonceroit trop en avant : après sa métamorphose, elle auroit beaucoup de peine à sortir. C’est pour cette raison, qu’elles choisissent, dans un grenier, le blé qu’elles préfèrent aux autres grains d’un volume plus considérable. Une larve, logée dans un grain, est parfaitement à l’abri des injures de l’air, parce que les excrémens qu’elle fait, servent à fermer l’ouverture par où elle est entrée dans le grain : de sorte qu’on a beau remuer le blé, elle n’est point incommodée des différentes secousses qu’elle éprouve. Après sa dernière métamorphose, le charançon se trouve mal à son aise dans le grain où il est né, & où il a vécu pendant son état de ver : son premier soin, dès qu’il a quitté son fourreau de chrysalide, est de sortir du domicile qu’il a habité pendant son enfance ; il fait donc usage des serres qui sont au bout de sa trompe, pour ronger l’enveloppe du grain, afin de faire une ouverture assez grande pour sortir de sa prison.

Les charançons aiment passionnément les ténèbres & la tranquillité :