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donc tous leurs ravages avec la plus grande sûreté. 3o. Le criblage est très-inutile en hiver, parce que dès qu’il fait froid, les charançons quittent les tas de blé : ce moyen est très-infructueux pour détacher les œufs, qui sont si bien collés & si adhérens au grain, qu’il est impossible de les en séparer en le criblant, ou en le remuant à la pelle. D’ailleurs, il est très-rare qu’il y ait des œufs pendant cette saison, à moins que le froid n’ait devancé l’hiver de beaucoup. Le froid suffit donc pour éloigner les charançons du blé & des greniers : cependant, si l’on doutoit qu’ils se fussent enfoncés dans les monceaux de grains, pour braver la rigueur de la saison, en les remuant & les agitant, on les verroit sortir pour fuir & aller chercher des asyles plus tranquilles & plus chauds.

En 1768, la Société royale d’Agriculture de Limoges proposa, au concours, la manière de détruire les charançons. Parmi les mémoires qui lui furent présentés, celui de M. Joyeuse remporta le prix ; l’accessit fut accordé à ceux de M. le Fuel, curé de Jammericourt, dans le Vexin, & de M. Lottinger, docteur en médecine, pensionnaire de la ville de Sarbourg. Nous allons rapporter les procédés de ces trois mémoires, qui nous ont paru les plus efficaces de tous ceux qui ont été proposés jusqu’à présent pour détruire les charançons.

M. Joyeuse assure dans son mémoire qu’une chaleur subite de dix-neuf degrés, est suffisante pour faire périr les charançons sans les brûler : ils restent sans mouvement, ils meurent étouffés dans un air subitement raréfié par une chaleur de dix-neuf degrés. Ce fait est constaté par les expériences qu’il a faites à ce sujet. Il observe cependant que ce degré de chaleur, qui doit être occasionné promptement, afin que le passage subit du froid au chaud les fasse périr, ne suffit point pour suffoquer ces insectes, lorsqu’ils sont enfoncés dans un monceau de blé. M. Duhamel avoit observé qu’il falloit une chaleur de soixante à soixante-dix degrés, pour faire mourir les charançons dans l’étuve ; mais cette chaleur excessive est capable de trop dessécher le blé, & même de le calciner : il est vrai qu’elle a l’avantage de faire périr les œufs, de faire mourir les larves renfermées dans le grain. Quoique le blé ait été étuvé, cette opération fait, il est vrai, mourir les charançons, mais elle ne les préserve pas de ceux qui sont restés dans les greniers, qui vont l’attaquer s’ils n’en ont pas d’autre.

Parmi les moyens de détruire les charançons, M. Joyeuse préfère le froid à la chaleur, 1o. parce que ces insectes sont incapables de nuire pendant l’hiver, étant engourdis & sans mouvement ; 2o. parce qu’ils cessent de manger & de se multiplier dans cette saison. Il est donc démontré qu’en les tenant dans un air dont la température ne seroit point suffisante pour leur donner de l’activité, ils périroient à la suite du temps, si l’on prolongeoit cet état d’engourdissement que leur occasionne le froid. En conséquence, M. Joyeuse propose de substituer au feu, un ventilateur, dont l’effet seroit d’entretenir dans un grenier un air assez froid, pour que ces insectes fussent réduits à ne faire aucune des fonctions nécessaires pour conserver leur exis-