Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/29

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tence & multiplier. Si le besoin les pressoit de prendre de la nourriture, ils s’éloigneroient nécessairement d’un endroit où, saisis par un air trop froid, ils ne pourroient pas pourvoir à la conservation de leur existence. M. Joyeuse, chargé du détail des vivres de la marine, mit en pratique l’idée qu’il avoit conçue ; il fit usage du ventilateur de Hales : sur cinq pouces cubes de blé qu’il tria, il trouva trois cens quinze charançons morts, deux cens quatre-vingt-six vivans, après avoir ventilé ce blé pendant six jours. Il conclut de cette épreuve, qu’en continuant l’action de ce ventilateur pendant tout l’été, on entretiendroit assez de fraîcheur dans un grenier, pour obliger les charançons à en déloger, ou pour les engourdir assez pour qu’ils fussent incapables de multiplier & de ronger le blé. Cette méthode est d’autant plus efficace, qu’elle est fondée sur la manière de vivre de ces insectes. Cette idée avoit été mise en exécution par M. Duhamel : après avoir employé le ventilateur dans un de ses greniers, où il y avoit beaucoup de charançons, l’année suivante il n’y en trouva pas un. (Voyez Ventilateur)

Les moyens que M. Le Fuel indique dans son mémoire, pour prévenir les dégâts des charançons, se réduisent à deux : 1o. Il suppose que les œufs pondus par ces insectes, n’éclosent qu’au mois d’Août ; que cette nouvelle génération n’est en état d’en produire une seconde, que l’année suivante : il croit, en conséquence de ces faits, que le moyen le plus efficace de se défaire des charançons, est de vider les greniers avant ce temps, en faisant moudre les grains, ou en les vendant. 2o. M. Le Fuel suppose que les charançons restent pendant l’hiver dans les monceaux de blé où ils s’enfoncent, & où ils sont engourdis, tant qu’il fait froid, jusqu’au retour du printemps. Dans cette supposition, il assure qu’il suffit de remuer & cribler le grain, pour détruire ces insectes, soit en hiver, soit aussi lorsque la chaleur commence à se faire sentir.

Le premier moyen, indiqué par M. Le Fuel, est établi sur une supposition qui n’est point vraie en général : il peut y avoir des pays assez froids, où l’accouplement & la ponte de ces insectes n’aient lieu qu’en Juillet ; mais dans d’autres ils s’accouplent beaucoup plutôt, quelquefois même au retour du printemps, lorsque la saison est assez favorable. Ce moyen d’ailleurs n’est praticable que pour le particulier qui a peu de blé. On ne peut point en faire usage pour les approvisionnemens considérables, à cause des inconvéniens qu’il y a d’avoir des amas de farine sujette à s’échauffer & à fermenter.

Le second moyen est inutile & en pure perte pendant l’hiver, puisqu’il a été démontré qu’il est très-rare qu’il reste quelques charançons dans les tas de blé, pendant cette saison. Au retour du printemps, il est plus efficace, parce qu’en remuant ou criblant le bled, on interrompt la ponte de ces insectes, qui va commencer, on les trouble dans leur asyle, où l’amour du repos & de la tranquillité les retiennent ; de sorte qu’on les oblige à fuir pour s’éloigner d’un endroit qui n’est plus de leur goût dès qu’ils y sont inquiétés.